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Sur la Costa

Samedi 29 Juin 2019, Puerto Lopez, petit port de pêche durement touché par le séisme de 2016. Rues défoncées, habitations sommaires, aucun charme. Mais une grande plage au bord de laquelle nous pouvons nous installer tranquillement. Nous y retrouvons nos amis Argentins rencontrés en Bolivie ! On les croyait loin devant mais ils ont ralenti le rythme.

On laisse Pablo gérer le pollo asado. La technique argentine est bien meilleure que nos barbecues classiques, la braise se fait à côté et sert au fur et à mesure. L'aliment ne carbonise pas et cuit plus lentement.

Et on savoure ce que chacun a préparé tout en essayant de suivre le débit volubile de Pablo et l'accent tout en "ch" de Macarena qu'Aloys retrouve instantanément " cho, la placha, las bachenas, la botecha" au lieu du castillan "yo, la playa, las ballenas, la botella" !

On ressort le paquet de marshmallows entamé à notre arrivée au Pérou ! Il fait le bonheur des autres enfants voyageurs.

Les deux loustics improvisent des batailles de romains, au moins l'espace ne manque pas.

Les magnifiques frégates du Pacifique sillonnent le ciel inlassablement à la recherche de poissons à grappiller. Elles ne doivent jamais jamais frôler l'océan, elles couleraient, leurs plumes ne sont pas imperméables. Alors elles volent, des heures, des jours, des mois même, sans se poser, grâce à leurs ailes de 3 mètres d'envergure, elles planent, pilotes aériens géniaux jouant avec les alizés et l'aspiration des nuages.

Pour nous, trouver notre pitance reste plus facile. Quoique !

La côte pacifique reste sous les nuages, c'est sa particularité. On peut regretter le soleil mais au moins il ne fait pas trop chaud et l'air marin ventile l’atmosphère qui serait vite irrespirable en plein cagnard.

Tout au bout de la plage un petit centre recueille et soigne les tortues épuisées ou victimes du plastique ainsi que les oiseaux marins comme les mignons Fous à pattes bleus.

Justement aujourd'hui une tortue va retrouver sa liberté, un moment émouvant lorsqu'elle retourne dans l'océan sous les yeux de son soigneur qui la regarde disparaitre, avalée par l'immensité. Elle reviendra pondre ici chaque année, si elle n'est pas victime du plastique qui jonche la plage et que nous ramassons, nous et de plus en plus de personnes armées de sacs trop vite remplis. Un réflexe à prendre et à transmettre par l'exemple.

Mardi 2 Juillet 2019, ce matin nous avons rendez-vous à 8h30. Elles sont arrivées les baleines à bosse. Elles aussi reviennent chaque année sur ces côtes aux eaux chaudes pour donner naissance à leurs baleineaux. Nous embarquons sur un bateau de pêche avec un couple de jeunes Français, Romane et Sam.

Passés le calme de la baie et la falaise où nichent les Fous, la barque prend la houle. Chacun guette le souffle, scrute les vagues. L'adorable pêcheur qui nous trimballe est un poil anxieux, il ne veut pas nous décevoir alors il répète en boucle qu'il y a des ballenas, si, si, muchas, vamos à ver, muchas, muchas tout en me bourrant le bras de coups de poings amicaux qui me donnent envie de le jeter par dessus-bord surtout quand le fameux souffle apparait et qu'il redouble ses marques d'affection tout à son excitation et à son soulagement !

Elles sont bien là, oui, et c'est toujours avec une bonne dose d'émotion qu'on les entend surgir des profondeurs quand elles reprennent leur respiration, mystérieuses créatures, douces géantes qui frôlent les bateaux sans jamais les toucher elles qui d'un coup de queue pourraient faire chavirer nos minuscules embarcations. Malheureusement le moment poétique ne dure pas, la forte houle et l'odeur du diesel ont raison de moi ! Et regarder dans le viseur de l'appareil photo devient un cauchemar. J'essaie de conserver ma dignité sous le regard compatissant du pêcheur qui réfrène un peu son enthousiasme et cesse ses virements de bord dès qu'il aperçoit un nouveau souffle. Par deux ou par trois elles jouent avec les vagues, disparaissent à droite, réapparaissent à gauche, sortent une nageoire puis replongent aussitôt. Les suivre est une épopée ! Mais malgré mes déboires ça reste magique, vraiment magique.

On finit par laisser les baleines se jouer des caprices de l'océan et on retrouve les eaux calmes. Je demande au gentil pêcheur de nous faire accoster sur une plage déserte sur laquelle je reprends vite des couleurs ! Peuplée de drôles d'oiseaux et de pélicans on y débarque nos sacs pour un pique-nique improvisé et une rapide baignade, de mini-méduses se baladent dans les parages.

Le gentil pêcheur nous ramène à bon port avant que la marée ne transforme notre plage déserte en île de Robinson. Quelle vie d'aventuriers quand même !

On laisse le temps filer et c'est bien. Le temps des châteaux de sable qui construisent l'enfance.

Aujourd'hui c'est pluie. Elle tombe en crachin, pas assez menaçante pour nous laisser enfermés. On part d'un bon pas sur le sable s'offrir un petit resto de crevettes, de poissons frais, de coquillages. Merci aux pêcheurs qui sortent chaque nuit et dont on voit les faibles feux de leurs petites barques danser dans le noir par la fenêtre de notre chambre. Ils ne rentrent qu'au petit matin quel que soit le temps, hommes courageux car il le faut bien.

Vendredi 5 Juillet 2019, les vieux dictons ne mentent jamais, après la pluie vient toujours le ciel bleu même sur la côté équatorienne. Plus que le soleil c'est la lumière qui fait du bien. Frégates et pélicans sont bien d'accord avec moi. Et c'est aujourd'hui qu'on a décidé de partir explorer d'autres plages. On plie, on range, on papote encore avec les copains qu'on revoit bientôt.

Un plein d'eau et d'essence plus loin le ciel a repris ses teintes préférées. Playa de los Frailes Aloys se jette avec bonheur dans les vagues chaudes

tandis que je m'amuse avec les crabes du coin qui se déplacent à toute allure et rentrent dans leur trou à la moindre vibration. Il faut être patient pour les voir ressortir prudemment et se précipiter sur le sable à la recherche d'un truc à se mettre sous la pince.

En marchant sur la plage on a vu de grosses sauterelles mortes. Ce qui n'a pas échappé à celui-ci qui s'en délecte. Recyclage naturel. Après ces observations scientifiques nous roulons encore un peu jusqu'à Puerto Cayo qui ne nous emballe pas beaucoup avec sa plage jonchée de plastiques en tout genre ramenés par la mer ou laissés par des indélicats. Courte nuit, école, on bouge.

Dimanche 7 Juillet 2019, petit village de Mompiche au nord de la côte équatorienne. Quelques rues de sable trouées par les fortes pluies des jours précédents, des cabanes en bois ouvertes au vent chaud, une végétation tropicale luxuriante, un air hippie cool où l'on peut se promener pieds-nus, une ambiance tranquilo tranquilo mais pas vraiment de place pour Philéas, hier soir on a tourné, tourné, hésité, cherché, trouvé dans le noir un sentier défoncé en dehors du pueblo bordé d'un terrain herbeux et prié pour ne pas s'y enliser.

Ce matin on découvre la grande plage à marée basse sous les nuages éternels. On ne se lasse pas de ce terrain de jeux et d'observations.

Et on trouve notre maison ! Elle nous fait rêver avec ses pieds dans l'eau et son appel au farniente cultivé sous un faré à hamacs, une institution sur la côte où ils sont posés un peu partout, parfois même au bord des routes pour délasser le conducteur fatigué par la chaleur. Déjà un petit côté Pura Vida qui nous plait bien.

Des rires fusent, une troupe attend la vague pour pousser la barque surchargée. On ne sait pas où ils veulent aller mais on espèrent qu'ils arriveront à bon port !

Ceci dit avec les noms que portent leurs bateaux le Paradis est au bout du chemin.

Comme les oiseaux nous sommes à l'affut du retour des pêcheurs, promesse de grosses gambas pour quelques dollars.

Un stop légumes

et un stop eau dans un hôtel qui nous offre son réservoir d'eau de pluie. Avec nos filtres et le bombardeur à UV on est tranquilles. 

Le jeune gérant est très fier de son resto, fermé aujourd'hui. Il rêve devant Philéas, on espère qu'un jour il réussira lui aussi à partir à l'aventure sur les routes du monde. Suerte y muchas gracias, el agua es el tesoro del viajero ! Chao la familia !

Ainsi parés nous pouvons aller explorer l'isla Zapotal et son immense plage. Il faut juste traverser le bras de mer à l'aide d'une barque et nous poser dans une paillote pour savourer une cerveza fresca et du poisson, pas de risque ici tout est frais.

Comme d'habitude Aloys se mêle aux jeux des enfants même s'ils sont en fratrie nombreuse. La vue d'un ballon l'attire comme un aimant. Plus de pelota dans Philéas, il en a écumé au moins six, le record étant d'une heure, ballon à peine acheté et perdu aussitôt.

Nous ça nous arrange bien ! Pendant qu'il joue avec celui des autres on en profite pour apprécier le silence !

Le vent du large vient fouetter la côte et rafraichir l'air lourd et humide, les cocotiers s'alignent sagement sur des kilomètres, plage de carte postale pour conclure ces quelques jours de farniente à la sauce Équatorienne.