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Cuenca, le Panama c'est en Equateur

Mardi 11 Juin 2019, cité Inca de Tomebamba devenue Cuenca. Les quatre saisons en une journée, comme un petit air Breton sans les embruns. A 2500 m d'altitude elle est loin la brise marine. On trouve une place sur le parking gardé jour et nuit d'un restaurant côté ville moderne. Encore un bivouac insolite à rajouter sur notre longue liste. Pas le plus sympa mais très pratique car très bien placé pour explorer la vieille ville. Juste le rio Tomebamba à traverser et la colline à grimper. Et un grand parc juste à côté. Et on ne sera pas seuls pour l'apéro, un autre camping-car a aussi voulu tester ce bel emplacement une heure après nous. Anne et Claude les Savoyards. D'ailleurs c'est déjà l'heure, de l'apéro. Récits, échanges, partages autour d'une bouteille, la formule fonctionne toujours, c'est tellement agréable ces rencontres spontanées.

Mercredi 12 Juin 2019, réveillés à l'aube par une avalanche continue de chants un peu gnangnans. A 6h pétantes un haut-parleur diffuse un CD à plein régime. Après renseignements c'est le collège d'en face qui sonne le clairon ! Pauvres élèves ! et nous avec. Une heure de supplice. Sans aucun entrain on prépare les sacs, pleuvra pleuvra pas. La promenade au bord du rio nous remet vite d'aplomb.

C'est sympa Santa Ana de los rios de Cuenca, de son petit nom. Ville tranquille, verte, propre dont le centre est classé au Patrimoine de l'Unesco. Troisième ville du pays, nichée au cœur des Andes, on sent une qualité de vie dans un bel environnement entre modernité et traditions.

Mais c'est surtout de Cuenca et sa région que vient le fameux sombrero de Paja Toquilla et n'allez plus jamais me l’appeler Panama ! Les Équatoriens n'en peuvent plus de répéter que le "Panama" vient de chez eux. Merci Roosevelt et les ouvriers du Canal qui le démocratisèrent sous le nom Panama Hat d'où la confusion qui agace beaucoup ici.

Alors le sombrero de paja toquilla c'est quoi exactement ? Un chapeau de paille ! Et oui, le "panama" n'est pas une forme mais un tissage de la fibre d'un palmier côtier équatorien, une matière. Un "panama" peut donc avoir plusieurs forme.

La maison Paredes de Cuenca a eu la bonne idée d'ouvrir ses portes et de montrer en direct le travail de finition d'un chapeau. Et ça fonctionne ! ça ne désemplit pas. Il faut dire que le choix est tentant et qu'on peut tout personnaliser, finesse de la matière, forme, couleur, ruban. A faire tourner la tête.

A Cuenca tout le monde ne porte pas un Paja Toquilla.

Ah si, quand même.

De toute sa hauteur en blanc et ruban bleu et blanc, crânement posé sur tresses noires, il magnifie les visages burinés aux vents andins.

Sous le ciel menaçant nous traversons la Plaza San Francisco affublée de ces lettres qui plaisent tant aux enfants mais gâchent souvent le paysage urbain. Ce qui est le cas ici. La place est grande, il fallait la remplir. Le rouge et jaune clinque dans le blanc élégant.

Sur un crochet en bois un garçon se fait les muscles. Il étire vigoureusement un caramel de canne à sucre pour en faire des bâtonnets souples et sucrés, la Melcocha. Celui-ci a mis des gants, on va pouvoir goûter.

Et juste en face, le poids de la culpabilité !!!

La petite place du marché aux fleurs égaie cette matinée de grisaille. Une église toute simple, toute blanche, ravissante avec ses toits en tuiles et ses pigeons attire les habitants qui se laissent vivre en regardant passer le temps et les touristes.

A Cuenca, un pas, une église. Les dômes de la cathédrale se détachent quelque soit la couleur du ciel. La Cathédrale Nueva est en construction depuis 1885. La Vieja, reléguée car trop modeste, lui a cédé sa place, de l'autre côté du joli Parque Calderon.

Grés rose, coupoles en céramique, mise en valeur par les magnifiques arbres de la plaza, cette cathédrale des temps modernes n'en finit pas de se construire. Elle a le temps. Nous aussi. Le temps d'aimer ou pas et Cuenca on aime, beaucoup. La paix des petites villes, le mélange des patrimoines, le ciel, les gens, une certaine nonchalance. Les équatoriens sont calmes.

En revanche l'intérieur de la Inmaculada Concepcion nous laisse ... de marbre.

On préfère grimper les 150 marches environ pour aller admirer la vue du toit terrasse.

Autour de la place les jolies arcades abritent les cireurs de chaussures, que vive le cuir pour eux !

Aloys a toujours l’œil qui traine et repère une pancarte alléchante. Un compatriote installé dans un patio ravissant, il n'en faut pas plus pour nous décider. Délicieux ! Et le pain frais, une merveille. On y rencontre des profs du lycée français apparemment très heureux de leur sort, un Suisse ravi d'avoir quitté ses vaches, un bon vivant touche à tout qui nous raconte avec humour son adaptation. Difficile de s'extirper de cette bulle patriotique.

L'appel de la curiosité nous fait reprendre notre parcours dans cette petite ville facile à explorer. Session cours de musique pour Aloys, ça manque à son éducation mais l'idée d'une flûte dans Philéas, toute artisanale soit-elle, nous fait fuir malgré les supplications acharnées de l'élève débutant. J'ai encore dans l'oreille les entraînements insoutenables de ses frères soufflant assidument dans leur instrument de torture en plastique pour essayer d'avoir une bonne note en cours de musique !

Et pourtant, quelques mètres plus loin nous sommes piégés par l'enthousiasme débordant d'un fabricant d'instruments traditionnels à base de graines, de bois, de bambous ! Arghhh. Nous repartons avec méthode ET instrument pour apprendre à souffler "El Condor Pasa"! Avec le prof ça semble si simple ! Mais je sais déjà qu'on va le regretter !

Entre les nuages qui se déchirent nous déambulons sous les balcons en fer forgé et les clochers. On redescend vers le rio qui marque la frontière entre ancienne et nouvelle ville.

Vendredi 14 Juin 2019, le CD mièvre a encore sévit à l'aube. Et les musiques mièvres nous trottent inlassablement dans la tête. Pour se changer les idées on repart chez Paredes. On aime bien cet atelier-boutique. Aloys aimerait un sombrero aux couleurs d’Équateur, les prix démarrent tout petits en fonction de la finesse du tissage, ce sera un joli souvenir de plus dans sa collection qui se remplit de tout et de petits riens qui lui permettront plus tard de relire les pages de ce beau voyage.

Et voilà le boulot après une petite heure de confection. Un sombrero mis en forme dans les règles de l'art et un beau ruban cousu d'une main de maître par l'une des couturières qui jouent de la pédale avec dextérité toute la journée. Dans le moule !

On termine par le musée des cultures aborigènes tandis qu'une averse toute tropicale s'abat sur les toitures. Une collection retrace l'histoire de l'occupation du pays par les différentes civilisations. De très belles pièces réunies par thèmes. C'est sous la pluie que nous reprenons notre route, laissant les habitants de Cuenca aux caprices de leur météo et à la tranquillité de leur jolie campagnarde.