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Mer des Caraïbes, le but ultime

Dimanche 8 Septembre 2019, le temps s'accélère. Nous avons rendez-vous le 12 à Cartagena pour les papiers de Philéas. Impossible de faire l'autruche, il faut gérer et accepter que c'est maintenant la fin de l'aventure ... N'ayant aucune envie de nous lancer dans un grand nettoyage de printemps dans la moiteur infernale des Caraïbes nous prenons encore plus de hauteur pour nous retrouver à peu près au frais dans le parque des Estoraques. Encore un détour pour y accéder, beaucoup de km dans la montagne et une nuit au bord de la route au ras des camions, Colombie tu nous mets à plat ! On passe une journée à nettoyer dans les coins tout en papotant avec les trois famille de français qui ont eu la bonne idée de faire le détour eux aussi ! Voyageurs en partance, vieilles connaissances ou nouveaux venus ça parle voyage bien sûr à l'heure de l'apéro ! Aloys est heureux de passer une journée avec des enfants de son âge. Mais il faut écourter la soirée, demain on a pour mission d'arriver jusqu'à la côte, 530 km, une énorme étape, la plus longue de notre périple !

Mardi 10 Septembre 2019, nous sommes au bord de la mer des Caraïbes, à Palomino, après une journée marathon hier pour avaler nos 530 km. Arrivés dans la plaine nous avons enfin pu accélérer sur une belle ligne droite et même en double voie parfois ! Nous avons dépassé Santa Marta pour aller nous poser dans un joli camping juste avant l'orage de la nuit.

On doit maintenant nettoyer l'extérieur de Philéas avant de le présenter aux douanes. Aloys est heureux, la mer lui manquait. A nous aussi. Mais la moiteur suffocante est pesante. On finit par abdiquer, on met la clim à fond et on s'enferme !

Je tente de rattraper le retard de l'école ... on dirait que la leçon sur la carpe ne l'inspire pas plus que ça ... comme je le comprends ...! La route, la chaleur, la mer ont eu raison de son énergie réputée increvable ! Et peut-être aussi les pensées qui tournent dans sa tête comme dans la nôtre.

Mercredi 11 Septembre 2019, et c'est parti pour nos derniers tours de roues sur ce continent Latino, 18 mois presque jour pour jour (c'était un 13 Mars). On refuse la nostalgie, ce qu'on a vécu va bien au-delà ... Ce soir on sera dans un appartement de deux chambres ! Mais il faut d'abord longer la côte et rallier Carthagène. La Sierra de Santa Marta vient mourir dans la mer, fin de cette mythique Cordillère des Andes dont on aura suivi toute la colonne vertébrale depuis Ushuaia. Rien que d'y penser on trouve ça incroyable ! Alors c'est avec émotion qu'on regarde s'éloigner ces derniers sommets habités par la tribu des Kogis qui essaie de se cacher du reste du monde, repoussée toujours plus loin, vers le froid des hauteurs, par ceux d'en bas qui volent leurs ancestrales terres fertiles pour faire pousser la coca, cupidité d'un monde cruel, hélas.

Les bananiers recouvrent la côte, leurs régimes enfermés dans des sacs en plastique pour qu'elles murissent plus vite ou éviter les taches "disgracieuses" ... encore une aberration d'un monde qui ne contrôle plus rien.

Le long de la route le travail des femmes indigènes s'étend modestement. Sacs traditionnels en laine parmi les fruits exotiques. La forme est reprise sur tous les marchés de Colombie dans des couleurs modernes et du coton made in China. Et certaines boutiques qui se veulent Hype vendent les pâles copies à prix d'or. J'en choisi deux, sobres, écrus. Un souvenir de plus dans la boite pleine à craquer !

Entre Santa Marta et Barranquilla on prend peur. Les bidonvilles de pêcheurs se succèdent au milieu des ordures. Mais la côte reprend ses droits, instinctivement on ralenti l'allure, encore envie d'en profiter un peu, de rouler sans but précis, sans savoir où l'on s'arrêtera. Une petite route à droite ? allez, on bifurque et quelques minutes plus tard sur une plage on nous sert une Club Colombia dans un verre rempli de glaçons, chaleur oblige ! On préférait la version Brésilienne en bouteille glacée d'un litre servie dans un contenant isotherme. Mais c'est bon quand même. La petite silhouette d'Aloys en toile de fond, son sourire, son bonheur d'enfant capable de se concentrer uniquement sur l'instant présent nous sert de modèle. On savoure.

Profites-en mon chaton, à partir de demain c'est légumes à tous les repas ! Fini les patacones /riz / frites sur fond de poisson frit ! C'est cette image que je veux garder. La suite est moins marrante. On jette tout ce qui est lavable dans une laverie de Carthagène, on arrive à l'hôtel, la réception ne nous trouve pas, on passe une heure à se faire enregistrer, on laisse Aloys sous la clim de l'appart, on sort les valises et on vide les placards de Philéas, perdus, échevelés, dégoulinants. On prend quoi ? On n'en sait rien ! On va où ensuite ? bonne question ! Bon, tant pis, on s'adaptera. Holà me dit une dame par la fenêtre. Je n'ai pas une tête à discuter madame. Sauf qu'elle m'explique qu'elle nous attendait. Ha bon ? C'est la propriétaire de l'appartement loué sur Booking. Sauf que je l'ignorais. L'édifice est un mélange d'hôtel et d'appartements privés. Mic mac dont on se serait bien passé. Il faut se faire rembourser puis repayer, puis déménager tout ce qu'on a déjà monté. 21h. Philéas est dans un parking et nous, crevés, liquéfiés, dans un canapé. Mais qu'est ce qu'on fout là ?! C'est immense. Deux chambres, deux salle de bains. Et la taille des chiottes et celle du frigidaire ! J'engueule Aloys à chaque fois qu'il ouvre un robinet " fais gaffe à l'eau on n'en a pas beaucoup . Il rigole ! Impossible de fermer une porte, j'étouffe et pourtant tout me semble gigantesque. Il me manque déjà mon meublé de 10m2 ou est-ce plutôt la liberté, ce luxe inouï que l'on s'offre depuis 18 mois ? Notre aventure Sud Américaine bute sur cette côte Caribéenne mais n'est pas terminée pour autant, il reste tant de choses à écrire. Mais ce sentiment de liberté on ne le retrouvera jamais ailleurs que sur les routes du monde !