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A Jardin on a trouvé ... l'Eden

Mercredi 28 Août 2019, les caféiers bien rangés à l'ombre des bananiers bordent la route et créent un univers vert, envoûtant. Et quand le regard accroche une toiture en tuiles au sommet d'une colline on n'est pas loin de l'extase. Joli cadeau pour 26 ans de mariage !

On traverse la petite ville de Jardin non sans mal, une course de vélo bloque l'accès de quelques rues et faufiler Philéas dans les ruelles adjacentes n'est pas facile mais on arrive à trouver notre spot pour la nuit, un peu à l'écart du pueblo, sur le terrain d'un petit élevage de truites. La propriétaire bourrue mais gentille enseigne à Aloys le lancer de granulés, on ne sait jamais, ça pourrait lui servir un jour dans la vie. Chaque apprentissage a de la valeur. Lui il aurait quand même préféré les pêcher et les manger mais elles sont trop petites !

Jeudi 29 Août 2019, on ne peut pas louper l'église de Jardin et ses flèches en alu qui reflètent de loin la lumière divine ! La pierre grise contraste étrangement avec la plaza bigarrée, une explosion de couleurs !

Partout des chaises et des tables à disposition des passants pour une partie de cartes, un jus frais, un café. Il doit y avoir autant de chaises que d'habitants ! Toutes faites sur le même modèle leurs dossiers sont en cuir et peints à la main.

Les jubilados semblent avoir compris le sens du mot farniente et ils ont bien raison les deux copains attablés à refaire leur monde qui semble être un océan de tranquillité !

Pas de bousculade au mini marché, installés là toute la journée les marchands indolents savent qu'ils vendront tranquillement leur production au fil des heures. Il suffit d'attendre.

On fait donc comme tout le monde, on s'installe. On choisit l'orange vitaminé adouci d'une touche de turquoise.

Et on regarde passer le temps. Aloys le trouve un peu long mais depuis qu'il veut bien lire des livres sans images il emmène partout sa liseuse et se plonge dès qu'il le peut dans les aventures du Club des Cinq.

On finit par secouer notre indolence et faire un petit tour du quartier. Après le sombrero de Paja Toquilla d'Equateur (injustement nommé Panama) on découvre le sombrero Aguadeños de Colombie. Un peu copié chez son voisin mais la fibre ne vient pas du même palmier. On essaie, on tâte, on fait la moue, non, pas celui-ci, trop blanc, trop sombre, trop petit, trop marron, on a le temps ... et la vendeuse aussi, nous sommes ses seuls clients.

On a aussi le temps de s'attabler dans un troquet et Gaspard de se faire refourguer l'assiette du paysan, la paisa bandeja, un mélange pour travailleur acharné pas pour voyageur nonchalant ! travers de porc, saucisse, boudin, œuf, riz, haricots, arepa, viande hachée, avocat et quand même une petite salade et une cerveza pour rafraichir tout ça ! Buen provecho ! Il lui faudra l'après-midi pour en venir à bout dans son estomac !

Vendredi 30 Août 2019, ce matin nous avons plus d'énergie qu'hier alors on part tôt et on prend une piste qui s'enfonce au milieu de paysages qui respirent la douceur et la quiétude. Sur chaque parcelle en creux ou en bosse est posée une finca qui cultive ses plants d'arabica.

Le chemin n'est pas large mais on connait notre Philéas, il passe partout maintenant. On arrive donc devant la Finca Los Angeles et on croise le regard franc, direct et chaleureux d'Andres qui nous embarque illico dans son monde.

Cultivateur amoureux de ses deux petits hectares, il parcours inlassablement ses terres à la recherche des grains rouges plantés par ses belles mains patinées par le temps.

La grosse récolte se fait entre octobre et décembre mais dans ce climat idéal à 1700 m d'altitude le café mûrit presque toute l'année. 12 kg ramassés donneront 1kg de café. Et quand il n'y a plus de café on vend les bananes.

Andres et sa femme Angela ont des tas de choses dans leur jardin; mandarines, avocats, ananas, herbes aromatiques, maïs, une vache, un veau et tout ce dont il ont besoin pour vivre en autarcie. Ce qu'ils n'ont pas ils l'échangent avec leurs voisins. Ils vivent simplement mais leur maison est cossue. Angela aime recevoir et nourrir les gens qui viennent visiter sa finca. Jamais ils n'ont pris de vacances, ils connaissent à peine Medellin et c'est tout. Alors ils aiment que des gens passent chez eux, ça les fait voyager.

Pendant que nous parlons avec Andres, Angela nous prépare un bon déjeuner avec les produits du jardin. Et bien sûr on goûte leur délicieux café ! Aloys sort ses Legos sur la terrasse, tout content d'avoir de l'espace. Il joue tout l'après-midi entouré d'oiseaux colorés.

La nuit est tombée, on invite Angela et Andres à partager des crêpes dans Philéas. Ils nous donnent rendez-vous à 8h le lendemain pour prendre un petit déjeuner avec eux. 

Samedi 31 Août 2019, à 8h pétantes Aloys est sur le pied de guerre et file un coup de main pour ratisser l'herbe fraichement tondue. Car la maisonnée est debout depuis 5h du matin, le travail des champs terminé, c'est l'heure de la pause salée.

Angela a fait des galettes avec le maïs de son jardin, les arepas. Elle a aussi fait des saucisses délicieuses, elle les vend d'ailleurs dans une supérette de Jardin. Jus d'orange du jardin, café du jardin, fromage frais de leur vache, mandarines juste cueillies, tout est un régal. Leur jeune nièce est venue les aider, le samedi ils ont souvent des visiteurs. Une dame et son fils arrivent suivis d'un jeune couple. Angela file en cuisine, Andres repart dans ses champs avec ses yeux pétillants.

Cette photo restera l'un de nos plus beaux souvenirs de voyage, elle nous rappellera à quel point les vies simples sont des vies heureuses. On a trouvé ici l'harmonie d'une famille satisfaite de vivre de sa terre et de transmettre son savoir. Cette année Andres a réussi à mettre assez d'argent de côté pour acheter les deux machines qui lui manquent pour aller jusqu'au bout de la transformation du café et éviter ainsi de vendre sa production à la coopérative. Mais je lui ai fais promettre d'emmener Angela voir la mer alors j'espère qu'il aura encore de nombreux visiteurs qui lui permettront d'économiser pour prendre enfin des vacances.

En repartant on se dit qu'on aimerait bien nous aussi avoir une petite finca qui rend heureux ! Gracias Los Angeles !