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Pause à Bogota

Dimanche 4 Août 2019, avant d'aller à Bogotá nous faisons un petit tour dans les environs. Hier soir nous avons dormi dans un village devant le portail d'une maison. Impossible d'entrer Philéas dans le grand jardin qui sert d'aire de camping le portail étant surmonté d'une petite toiture bien trop basse. Nous avons failli en emporter un morceau ! L'adorable propriétaire était dans tous ses états non pas pour son portail mais parce que nous ne pouvions pas entrer chez elle. Nous l'avons rassuré, on a connu pire comme spot de nuit. C'est une route de campagne qui serpente entre des villages plutôt huppés, bordée de résidences secondaires appartenant à des Bogotanés. Certes un samedi soir ce n'est pas l'idéal pour dormir au bord d'une route même en pleine campagne. Motos et bus se relaient pour le boucan. Mais on s'endort quand même bien crevés par les heures de route.

Et ce matin nous avons la visite de cette gentille dame et de sa fille armées de cafés chauds et d'un énorme sac d'oranges de leur jardin, on en a rarement gouté d'aussi bonnes. Comme à chaque rencontre sympa on aimerait éterniser le moment mais on doit avancer, les routes de Colombie sont si longues ! Nous avons prévu d'aller visiter une mine de sel à Nemocon, petit pueblo à une cinquantaine de km au nord de la capitale. Juste avant Nemocon la ville de Zipaquira fait le plein avec son église sculptée dans une mine, la "Catedral de Sal", lieu de culte mais surtout de tourisme. On décide de ne pas y aller, beaucoup trop cher pour une visite, plus de 10 euros par personne, on rêve ! L'église a été construite en 1990 pour remplacer celle édifiée par les mineurs en 1950 et fermée car fragilisée. On continue donc notre route pour arriver à Nemocon juste à l'heure de la dernière entrée, les garçons mettent leur casque et s'enfoncent dans les profondeurs de cette mine bien plus authentique tandis que je reste à l'air libre. Enguerrand prend des photos de leur randonnée 80 m sous terre le long des galeries creusées  à partie de 1816. Une balade originale pour se dégourdir les pattes, nous avons été coincés dans des embouteillages en traversant les banlieues de Bogotá, de longues heures entrecoupées par un déjeuner dans une parilla bordant la route, une immense salle avec un feu de cheminée parfait pour nous réchauffer après une averse glacée, nous sommes revenus en altitude.

Lundi 5 Août 2019, elle est bien calme cette petite ville, loin de l'agitation des grandes. On en parcours les quelques rues de bon matin. Place, église, petit musée du sel, épicerie, le tour est vite fait.

On s'enfonce un peu plus dans la campagne, on y croise des charrettes de roses, il doit y avoir une distillerie pas loin.

On grimpe à 3000 m pour trouver un petit lac, la laguna de Guatavita, à l'origine d'une des légendes de l'Eldorado tant cherché et convoité par les conquistadores qui avaient entendu dire que le Cacique, chef des Indiens Muisca, une civilisation Pré Colombienne,se couvrait le corps de poudre d'or et se baignait dans l'eau du lac tandis que la population faisait des offrandes en y jetant des objets en or et en pierres précieuses. Les Espagnols ont essayé de vider le lac en 1545 mais n'ont pu atteindre que ses bords et ont trouvé de nombreuses pièces d'or mais pas le trésor tant espéré. Et nous n'aurons pas plus de chance, l'accès au lac étant fermé le lundi nous ne le verrons pas ! On redescend vers un lac de barrage pour un déjeuner rapide et on part à Bogotá, Enguerrand prend son avion demain soir.

Mardi 6 Août 2019, trouver un spot pour Philéas dans l'immensité d'une ville comme Bogotá n'est pas chose facile mais grâce à notre application de voyageurs Ioverlander nous sommes arrivés sans aucun problème hier dans le parking en plein air qui a bien voulu nous accueillir. Il y a mieux comme clap de fin pour Engus mais l'endroit est calme, fermé, gardé, bien placé et il y a de l'eau ! Le luxe. Et de toute façon on a une capitale à visiter aujourd'hui donc on démarre tôt, on prend nos pieds et on part todo recto vers le seul quartier historique de la ville, la Candelaria.

Un seul musée nous attire, celui de l'or bien sûr. Des milliers de pièces rares et inestimables rassemblées en un seul lieu, ça fait tourner la tête et ça attire beaucoup de monde. Chacun se presse contre les vitrines pour admirer le précieux métal.

Une salle met en scène des centaines d'objets grâce à un son et lumière magnifique. Éblouissant musée mais l'émotion n'est pas aussi forte qu'au Pérou, le trésor de l'homme de Sipan reste notre favori incontesté.

En sortant du musée des roulements de tambours résonnent partout dans les rues et les drapeaux flottent dans l'air frais. Demain la Colombie célèbrera la bataille de Boyaca remportée par Simon Bolivar contre les Espagnols en 1819 permettant ensuite la prise de Bogotá et la libération du pays. Répétition générale. On suit le mouvement pour la plus grande joie d'Aloys.

Rendez-vous au garde à vous sur la place ... Bolivar bien sûr ! Un ensemble néoclassique entre la Cathédrale Primada, le Palacio Lievano et le siège du Congrès. C'est le cœur de la Candelaria, les rues historiques se concentrent tout autour.

Juste derrière c'est la Casa de Nariño, le palais présidentiel.

On remonte les quelques rues qui ont conservé le charme d'autrefois.

Les Colombiens aiment être dehors, se pressent autour des tables de jeux installées sur le trottoir. Ils ont une vingtaine de jours fériés dans l'année pour en profiter !

Un téléphérique nous hisse en haut du Cerro Monserrate

SQ"un côté, la nature, verte, exubérante, la Cordillère Orientale des Andes.

Se l'autre, à 2600 m d'altitude, la ville, immense, tentaculaire, fondée en 1538 et abritant aujourd'hui plus de 7 millions d'habitants qui se partagent ses grandes artères, ses parcs, une ligne de bus moderne et un réseau de pistes cyclables dans une relative sécurité en tout cas pas pire que dans toutes les grandes villes. On profite de la vue, un peu ébahis par le gigantisme. C'est à ce moment là que je m'approche du mur en pierre appareil-photo ouvert et que deux minutes plus tard je réalise qu'une grande rayure balafre l'objectif ! Merdouille ! On redescend, Enguerrand doit faire sa valise, son avion est dans quelques heures, le temps d'un dernier câlin avec son petit frère qui vit toujours aussi mal ces départs. Un taxi nous emmène à l'aéroport, un dernier verre puis on écourte les adieux, c'est trop dur. Mais on pense surtout à lui qui doit rentrer en Nouvelle-Calédonie. Quatre avions pour arriver à Nouméa ! Merci d'être venu jusqu'ici ! Nous sommes tellement heureux d'avoir pu le voir même si c'est toujours trop court bien sûr.

Mercredi 7 Août 2019, on a un peu le cafard ce matin, on repart à pied flâner du côté de la Candelaria. C'est un jour férié alors les gens se pressent dans les rues, profitent des grandes artères libérées du flot des voitures pour faire du vélo. On longe les arènes en briques rouges de la Santamaria, on traverse le parc de l'Independencia, Le MAMBO, Musée d'Art Moderne, est fermé aujourd'hui, on se perd un peu dans la foule d'une rue manifestement plus pauvre où chacun essaie de vendre sur le trottoir trois merdouilles en plastique, vielles chaussures, vieilles peluches. Des vendeurs tractent ou tirent leur charrue, de nombreux réfugiés Vénézuéliens tentent de s'en sortir en brandissant paquets de mouchoirs ou sucettes au goût chimique.

Le ciel est toujours un peu chargé sur Bogotá, le temps change tout le temps, il y fait frais, il y fait chaud, on enfile un pull, on l'enlève, on le remet, on jongle avec les nuages.

Aloys nous supplie de retourner au resto d'hier. Il retrouve la serveuse Vénézuélienne avec laquelle il avait bien papoté et manifestement il est ravi !

Dans la rue il y a des spécialités à goûter comme les obleas, très fines gaufres sur lesquelles on étale chocolat, confiture ou arequipe, le nom du dulce de leche ici. Il parait que Mick Jagger en raffole nous dit la vendeuse. En sandwich et hop dans le bec des gourmands.

En revanche tout le monde se défile pour la dégustation des fourmis grillées géantes !!!

Jeudi 8 Août 2019, on a quitté le parking pour une autre ambiance ... un garage !!! Et nous n'y sommes pas seuls ! Avant de renvoyer Philéas en France nous voulons faire un petit check up et très vite nous comprenons que Daniel, le propriétaire, est une mine d'or. Oui, il peut nous trouver un réparateur pour la vitre de la porte d'entrée fendue par un rivet mal placé au début de l'aventure (boulette au Portugal !) et oui il y a un pro de la résine qui pourra nous réparer le support en plastique de la douche. Sans parler de la révision générale et des réparations après 50000 km de routes de toutes natures. Et pendant cette pause je vais pouvoir trouver un réparateur pour mon appareil photo et pour l'ordinateur dont la carte mère vient de cramer !!! Une famille française est arrivée juste avant nous et un couple en van juste après nous ! La réputation du garage prend de l'ampleur dans le monde des voyageurs. Il faut dire que nous avons l'autorisation de vivre dans le garage pendant la durée des réparations ! On sort tables et chaises, apéros, anniversaire des jumeaux, c'est surréaliste. Chacun mène sa vie. La petite équipe du garage est adorable mais ils n'ont pas que nos véhicules à gérer, dans le quartier aussi leur réputation est bien établie. Alors ils jonglent pour faire au mieux.

Et les jours défilent en attendant la fenêtre des uns, le phare des autres, l'embrayage du troisième. Je dois faire changer l'objectif de mon appareil, trouver un nouvel ordinateur, on visite les centres commerciaux de Bogotá et leurs particularités comme une statue de la Vierge installée le 15 Août en haut de l'escalator et devant laquelle prient les gens sans se soucier du va et vient !

Le samedi à midi le garage ferme ses portes pour le week-end après quelques bières partagées. Propre, rangé, nickel. Nous nous retrouvons enfermés mais avec une clé pour pouvoir ouvrir la petite porte discrètement. Plus un bruit. C'est étrange de se retrouver là. Daniel nous a proposé de venir chercher Aloys qui s'est pris d'affection pour ses chiens et de l'emmener pique-niquer dans un parc avec eux. Et le dimanche on le voit débarquer en fin de matinée avec Thor et Salomé ! Il embarque Aloys ravi mais quand même un peu anxieux à l'idée de nous quitter quelques heures ! Idem pour nous ! 

Photos de Daniel. Des chiens et une pizza, la journée de rêve pour Aloys ! Un immense merci pour ce souvenir qu'il n'est pas prêt d'oublier.

Le quartier du garage n'est pas franchement huppé mais plein de vie et sûr. On marche, on cherche des parcs qui sont en fait des clubs de golf impénétrables de l'autre côté de la voie rapide qui sépare le quartier populaire de celui plus chic des ensembles en briques sécurisés par des grilles et des gardiens. On pique une empanada par ci, une arepa de mais par là, des avocats gros comme les deux points d'Aloys.

De nombreuses passerelles permettent de traverser la Panaméricaine ou d'aller prendre le Transmillenium, un réseau de bus rapides dotés de leurs propres voies. On dévalise les Carulla, chaine de supermarché dans laquelle on trouve du pain, oui, du vrai pain, sans sucre, au levain, croustillant, délicieux !!! On trouve aussi du jambon, de la vraie mozza, des petits pâtés, un peu de fromage ! Et du bon vin argentin à l'épicerie du coin ! Le soir on met nos trouvailles en commun et on tartine et on trinque et on tartine et on trinque ! Bientôt l'épicerie du coin est à cours d'approvisionnement !

On brave les embouteillages pour nous échapper un peu plus loin, du côté de Usaquen, un quartier qui il y a peu était encore une bourgade de campagne avalée par la tentaculaire capitale. Il en reste une église coloniale et deux rues à l'abri du vacarme.

Et pendant ce temps il y en a qui ont bossé ! La fenêtre est changée après avoir été renvoyée car elle était trop épaisse d'un millimètre ce qui nous a valu une bonne attente supplémentaire pour être refaite. Le support des shampoings de la douche est comme neuf, résiné et repeint. L'appareil photo a retrouvé un objectif et on a pu acheter un ordi à très bas prix, Philéas ronronne, pressé de prendre l'air. Les uns partent, d'autres arrivent, des Français encore ! Daniel, Roberto et le jeune Brandon pensaient se reposer après notre départ, c'est raté ! Mais ils sont ravis, une vingtaine de véhicules étrangers sont passés chez eux cette année, un très bon fond de commerce. Un dernier apéro avec eux, on est samedi ! On aura passé 15 jours dans ce garage mais il faut enlever les week-end et jours fériés, les journées où ils ont travaillé sur les autres véhicules, les journées à attendre le double vitrage en plexi, la grosse journée pour remonter la porte d'entrée, bref, une aventure dans l'aventure. Si on m'avait dit que je vivrai 15 jours dans un garage à Bogotá ! Adaptation, c'est vraiment le maître mot de ce voyage. Cette pause nous aura fait du bien, on réalise à quel point ce peut être fatigant d'être tout le temps en mouvement. Les portes s'ouvrent, un dernier abrazo et nous voici à nouveau sur la route.

On quitte la capitale Colombienne dont on retiendra par-dessus tout l'extrême gentillesse de Daniel et son équipe, leur incroyable sens de l'accueil, leur calme, leur disponibilité, leur bonne humeur malgré leurs longues journées fatigantes et leur professionnalisme. Vous imaginez des campings car et leurs occupants chez votre garagiste ?! Ici même les chiens sont admis !

Allez hop, un plein pour Philéas. (Non, je ne l'aime pas au point de le flasher pendant qu'il boit, c'est une photo envoyée par un Colombien qui a laissé un message sur notre site internet !) Hasta luego Bogotá !