J'ai rêvé New York

Jeudi 26 Septembre 2019, et voilà, dans deux petites heures nous quittons le continent Sud américain, son ambiance caliente, son alegria, sa nonchalance. Mille images se bousculent dans nos têtes, d'Ushuaia jusqu'ici en passant par le Brésil c'est un kaléidoscope de souvenirs. Mais on a hâte aussi d'en créer d'autres et nous allons être servis car dans le grand bazar des lignes aériennes pour aller vers l'Europe le moins cher nous fait passer par New York. Un mythe, un véritable rêve pour moi depuis que je suis toute petite. Derniers mots en espagnol, derniers sourires et nous embarquons pour un nouveau monde.

Trois heures plus tard nous survolons Miami et atterrissons pour une courte escale. Le pilote américain est très sympa et invite Aloys a prendre sa place mais pour une fois notre intrépide joue les timides, impressionné par tous les instruments. Arrivée à New York prévue dans trois heures à l'aéroport de La Guardia.

Il est plus de minuit lorsque le taxi nous dépose devant notre hôtel, nous sommes fatigués et décalés et ne réalisons pas encore que nous sommes en plein Manhattan. Aloys sombre dans le hall, insensible à l'ambiance art déco du Stewart Hotel. Il ne bronche pas non plus lorsqu'on le glisse dans les draps frais du confortable canapé-lit de notre appartement. Malheureusement pour nous la nuit est un peu moins bonne, gâchée par les vibrations de la climatisation de l'hôtel qui tremble au-dessus de nos têtes.

Madison, Chelsea, Times Square

Vendredi 27 Septembre 2019, nous avons changé de chambre rapidement et nous voici à 8h pétantes en plein cœur de Manhattan, sur la 7th Avn. Incroyable. Je me sens comme un enfant devant un gros cadeau de Noël ! Les buildings, les taxis jaunes, les sirènes, tout y est et on aime instantanément cette ville, tous les trois. Coup de foudre à Manhattan !

Nous marchons sur Broadway Avn pour aller prendre un petit déjeuner dans Madison Square. Malheureusement le Flatiron est en rénovation. Ce célèbre building en forme de fer à repasser situé juste devant le parc est recouvert d’échafaudages et d'ouvriers, je ne peux même pas le photographier. Tant pis, il y en a tant d'autres. Et puis on profite du beau temps et de l'ambiance incroyablement calme, nous sommes surpris par le peu de circulation. Le coût du stationnement et le manque de places incitent les New-yorkais à prendre les transports en communs ou le vélo. On savoure ces premières heures, on s'imprègne. On connait tous New York, on a l"impression d'être dans un film. C'est un sacré changement après Carthagène ! Nous sommes contents de trouver des températures plus agréables, printanières même en ce début d'automne.

Alors on marche, le long de la 23th Street jusqu'à la Hight Line de Chelsea, une ancienne voie de chemin de fer reconvertie en passage vert le long de l'Hudson River. Une balade à dix mètres de hauteur qui nous emmène jusqu'au marché de Chelsea, ancienne usine où fut inventé et fabriqué le biscuit Oreo dans les années 1890. Rénovée on y trouve plein de petits restos, sympa à l'heure du déjeuner. Premier hot-dog pour Aloys qui apprécie la pause à défaut des Oréo, il déteste ça !

On tourne, on lèche, on croque ! C'est comme ça que faisaient ses frères quand ils engloutissaient des paquets de ces petits gâteaux.

On poursuit la Hight Line jusqu'au quartier en pleine construction de Hudson Yards et sa nouvelle attraction, The Vessel, un drôle d'escalier point de vue. On ne peut pas le louper tant il brille sous les rayons du soleil. L'ascension est gratuite mais il faut un ticket à réserver en ligne, ce que nous n'avons pas fait. On se contente de regarder cette œuvre d'art clinquante posée au milieu des nouveaux buildings qui s'élèvent à toute vitesse.

La High Line se termine sur la 34th Street que nous suivons jusqu'à ce qu'elle croise la 7th Avn, et nous voilà devant l'hôtel. Trop facile New York avec ses immenses rues et avenues toutes droites qui se croisent. Rues dans le sens Est-Ouest, Avenues dans le sens Nord-Sud. Aloys s'écroule sur son lit, il a mal à l'oreille depuis deux jours et les heures de marche l'ont épuisé. On le laisse récupérer.

Nous sommes tout près de Times Square alors on remet nos chaussures lorsque la nuit tombe pour aller nous noyer dans cet océan de lumières artificielles. Le choc est rude. On a du mal à comprendre cette débauche de néons, de pubs, de monde. Une autre planète. On y reste le temps d'une gaufre, à nous faire arroser par le bruit. Qu'elles me manquent les plaines infinies de Patagonie ...  

Il est 23h, rien ne s'arrête jamais à Times Square. On est venu, on a vu, on rentre !

Liberty Island, Wall Street, Brooklyn

Samedi 28 Septembre 2019, encore levés tôt pour essayer de prendre le premier ferry pour réaliser le rêve d'Aloys, voir de près Lady Liberty. On prend finalement le second bateau, il y a déjà plein de monde. Comme à l'aéroport il faut passer un contrôle. Les agents ne sont pas agréables et me confisquent mon mug de thé tout chaud que je viens d'acheter sans avoir eu le temps de le goûter. Sécurité on veut bien, mais ils abusent. D'ailleurs on a remarqué le manque d'amabilité générale dans les magasins, jamais un sourire, toujours pressés, pas sympas pour donner une information, le changement est difficile après l'Amérique du Sud ...

A la pointe sud de Manhattan le quai de Battery Park s'éloigne, la fameuse "Liberté éclairant le monde" se rapproche et malgré ses presque 93 m nous la trouvons petite ! Ah c'est ça ? nous dit Aloys un peu déçu. Il s'était imaginé un colosse dominant New York !

Nous débarquons sur la petite île qui l'abrite, perchée sur son socle de granit rose depuis 1886. Vue d'en bas elle est plus impressionnante. On regarde ses traits décidés et un peu sévères voulus par son sculpteur, Bartholdi. La vue sur New York doit être sympa depuis la couronne. Le prix est exagéré et prohibitif et de toute façon il faut réserver des semaines à l'avance.

En reprenant un bateau pour l"île voisine d'Ellis Island on pense à l'émotion des millions de gens qui ont eu cette vision en approchant de New York, Lady Liberty et son bras levé vers le ciel, symbole d'une nouvelle vie.

Mais avant de pouvoir fouler le sol Américain les troisièmes classes des paquebots bondés de candidats à l'immigration devaient passer par le grand centre d'Ellis Island construit en 1892 pour gérer les milliers d'Européens fuyant la misère, les épidémies ou les persécutions. De magnifiques bâtiments classés.

Le hall immense pouvait accueillir plus de 5 000 personnes par jour ! C'est très émouvant d'imaginer tous ces gens, les ancêtres de millions d'Américains, arriver dans ce lieu impressionnant, épuisés par une longue traversée, plein d'espoirs, de peurs aussi car ils pouvaient être refoulés en cas de maladie ou de problèmes avec la justice. Chaque personne est examinée par un médecin qui décèle en 6 secondes s'il y a un problème et l'écrit à la craie sur les vêtements. E pour un problème aux yeux, H pour un problème cardiaque, X si la personne est déficient mental. Puis c'est l'enregistrement. Il faut répondre rapidement à une trentaine de questions. De longs couloirs, des dizaines de salles résonnent encore des murmures inquiets et fous d'espoir de familles entières, des pleurs des bébés, du pas pressé des infirmières. Enfin, la délivrance, le sésame, l'accès à la Terre Promise. 16 millions de personnes sont passés par Ellis Island et presque tous ont entendu le fameux "Welcome to America".

Le quai de Battery park se trouve à deux pas de Wall Street. On descend du bateau et on change d'univers, on entre dans l'antre de ceux qui font tourner le monde. Aujourd'hui pas de cravates à l'horizon, nous sommes samedi, le quartier est livré aux touristes.

Au tout début de l'avenue de Broadway les gens se pressent autour de la statue d'un taureau massif, le Charging Bull, devenu l'emblème de Wall Street, représentant la force et l'espoir du peuple. Mais pourquoi tant de monde ? Car les touristes ont décidé que frotter certaines parties du taureau porterait chance ... C'est ainsi qu'on assiste, médusés, à des scènes à pleurer de rire. Heureusement que le ridicule ne tue pas, la dame en jaune a passé je ne sais combien de temps sous le taureau, une fois, deux fois, trois fois, elle ne s'arrêtait plus ! Il parait que ça fonctionne aussi avec les cornes. On ne saura jamais, nous n'avons pas testé !

La célèbre Wall Street n'est en fait qu’une toute petite rue étroite qui longe le New York Stock Exchange, la Bourse.

Un vendeur de hot dog officie même devant cet imposant bâtiment. Ils sont à tous les coins de rues, jour et nuit, à faire griller leur saucisses et quelques brochettes.

C'est en taxi que nous traversons le pont de Brooklyn pour aller dans le quartier du même nom. Aloys n'en peut plus, il a un peu de fièvre. On lui donne de l'aspirine et il s'endort aussitôt sur un bout de pelouse presque sous la pile du pont. On s’assoit sur un banc juste en face et on rit en voyant le regard des passants découvrant un enfant seul endormi sous un pont. Attendris ou très inquiets, cherchant tout de suite les parents. On le laisse dormir une bonne heure pendant laquelle on discute avec des familles. Les New-yorkais aiment venir à Brooklyn le week-end, un grand parc longe l'East River, la vue sur Manhattan est imprenable, les usines ont été réhabilitées en restaurants chics.

Un décor parfait pour de nombreuses mariées qui viennent ici se faire prendre en photo.

Un peu plus loin c'est le joli pont de Manhattan. Le bruit du train qui passe au niveau inférieur est assourdissant. On aimerait poursuivre la visite de Brooklyn mais il est un peu tard, Aloys pas très en forme, alors on repart à Manhattan en bateau cette fois-ci.

Puis on marche quelques minutes pour trouver le quai d'embarquement pour Staten Island. Des navettes gratuites font des aller-retour 24h/24, de quoi nous permettre une jolie vue by night sur la skyline.

Le soleil va bientôt se coucher lorsque nous repassons devant Lady Liberty. A Staten Island nous débarquons et regardons la nuit tomber sur New York sur la terrasse d'un restaurant du port devant une belle assiette de moules et un verre de vin blanc tandis qu'Aloys s'initie aux règles du football américain.

Puis nous reprenons le ferry. Il fait nuit, New York brille. Le spectacle est magique.

Un dernier effort avant de retrouver le confort de notre chambre et sombrer illico. On lui mène la vie dure à notre aventurier mais il résiste bien, aussi emballé que nous par la découverte de cette ville mythique.