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Sacré Machu Picchu

Mercredi 1er Mai 2019,  il y en a qui attendent le train pour aller manifester place de la Bastille, d'autres pour aller à la rencontre d'une citée bien cachée au milieu des Andes ... 8h, sur le quai de la gare d'Ollantaytambo, nous sommes prêts pour cette journée au cœur du monde Inca. Mythique.

Deux heures plus tard nous arrivons à Aguas Calientes, seule petite ville au pied de la célèbre montagne. Nulle route n'y mène, la seule solution pour y accéder est le train. Ou de marcher depuis Hydro Electrica, barrage sur l'Urubamba, accessible en voiture mais la route est longue et périlleuse pour un Philéas. N'ayant pas trop le choix nous avons pris le train, le plus cher du monde ! Nous aurions pu aussi payer une somme astronomique pour marcher quelques jours avec un guide et accéder au site par le chemin de l'Inca, voie pédestre qui démarre de Cuzco, une magnifique aventure que nous laissons à d'autres !

Aguas Calientes est un "port" à touristes. Boutiques de souvenirs, hôtels et restaurants se disputent une place en or. Une fois arrivés nous retrouvons le guide parlant un peu français que j'avais contacté quelques jours avant. Il ne nous reste plus qu'à prendre les tickets de bus hors de prix aussi, 12 dollars pour monter jusqu'à l'entrée du site, autant pour redescendre. Mais quel site ! Accéder jusqu'ici est déjà incroyable. Le bus prend l'étroite piste qui grimpe en lacets pendant trente minutes jusqu'à 2400 m d'altitude.  Nous déjeunons rapidement d'un sandwich, nourritures et boissons sont interdites une fois les barrières franchies. On trouve qu'il y a du monde mais le guide nous affirme que non, il parait qu'à partir du mois de Juin c'est infernal même si le gouvernement Péruvien a mis en place un quota journalier. Côté temps ce n'est pas le grand soleil mais la vue est dégagée et non noyée dans la brume comme c'est souvent le cas. L'environnement est spectaculaire, de grands pics couverts d'une végétation quasi tropicale (le bassin amazonien n'est qu'à une centaine de kilomètres à vol d'oiseau) et le rio Urubamba qui coule tout en bas, longé par la voie-ferrée.

On tend nos tickets, on peut pénétrer dans l'une des nouvelles merveilles du monde. Mais avant de la voir on doit gravir encore des marches, des mètres, de l'altitude. L'air est humide, il fait chaud.

Et soudain la cité mystérieuse apparait sur son socle rocheux, le Machu Picchu," le vieux sommet" dominé par le Huayna Picchu, "la jeune montagne". Complètement isolée, silencieuse, abandonnée si longtemps dans le secret de la végétation elle représente la plus belle architecture du peuple Inca et permet un plongeon fascinant dans cette civilisation disparue.

Construite au XV e siècle par l'Inca Pachacutec on pense qu'elle servait de lieu de villégiature et de grand centre religieux lié au culte des montagnes au milieu de l'aire sacrée de Cuzco, cœur de l'empire. Elle aurait aussi été un relais de commerce vers la forêt Amazonienne. Jamais achevée et abandonnée à cause de l'effondrement de l'empire Inca probablement avant l'arrivée des conquistadors en 1534 la cité tomba peu à peu dans l'oubli mais les gens du coin ont continué à utiliser les terrasses pour leurs cultures. Quand Hiram Bingham, jeune explorateur et archéologue américain, la découvre en 1911 ce n'est pas elle qu'il cherchait mais la dernière ville Inca cachée dans la jungle, le royaume de Vilcabamba, refuge de Manco Inca en 1536.

La ville devait abriter entre 1500 et 2000 personnes en fonction des saisons, probablement de rang élevé, notables et prêtres. Des squelettes retrouvés dans des tombes font penser que les ouvriers venaient d'autres provinces de l'empire. Ils étaient chargés de l'agriculture sur les terrasses alimentées en eau par un réseau de canaux.

Au temps des Incas huit chemins menaient jusqu'au Machu Picchu. L'arrivée se faisait en haut de la ville. Une construction à trois murs dont un percé de fenêtres servait de poste de garde. D'ici la vue embrasse la vallée et toute la ville en contrebas.

Aloys s'écrie : " c'est incroyable maman, on se croirait dans un livre d'histoire ! ". Il l'a tellement vu cette photo, il en a rêvé, il est ravi d'y être en vrai et nous aussi ! C'est émouvant de découvrir les vestiges si bien conservés d'une civilisation au destin tragique.

On prend le temps, on savoure l'endroit avant de descendre le chemin Inca qui mène vers l'entrée de la cité.

La cité se divise en plusieurs quartiers. A l'entrée les ateliers et habitations dont les murs sont en pierres juste posées les unes sur les autres. En contrebas, le temple du soleil, reconnaissable à sa forme en tour, jouxte le palais de l'Inca dont les murs sont érigés de façon bien plus élaborée avec leurs énormes pierres taillées qui s'ajustent parfaitement sans laisser le moindre espace entre elles. La grande place herbeuse servait pour rassembler les habitants pour les cérémonies. Et bien sûr le reste du site est largement consacré aux temples et aux fonctions astronomiques, lieux sacrés dévolus aux prêtres.

Une seule porte permettait d'entrer dans la ville. Un système permettait de la fermer. Ainsi les entrées étaient parfaitement contrôlées.

Petite émotion, on entre dans le palais de l'Inca par une magnifique porte trapézoïdale dotée d'un système de pierres percées pour faire coulisser une fermeture. Dans la salle de bain ou plutôt salle d'ablutions, un trou dont le guide nous fait croire que ce sont les toilettes de l'Inca pour le plus grand plaisir d'Aloys ! Une canalisation en fait qui servait à évacuer les eaux usées par un système assez perfectionné les rejetant plus bas.

Près du palais, le Temple du Soleil ou Torreon,  car construit en forme de tour posée sur une roche naturelle inclinée sous laquelle une cavité servait symboliquement de passage vers le monde du dessous, l'infra monde, là où résident les ancêtres. Peut-être un lieu de conservation des momies. A l'intérieur du temple il y avait une table sacrificielle. Une centaine de squelettes ont été trouvé à proximité ... mais sans réelle preuve d'un lien entre les deux.

Il ne manque que les toits de chaume aux habitations pour retrouver la ville telle qu'elle était il y a 600 ans.

Les murs des habitations moins nobles sont fait de deux rangées de pierres et de torchis au milieu. Il y avait un étage avec vue imprenable sur les pics verdoyants.

Les niches servaient certainement de rangements. Des tissus épais étaient mis devant les portes et les fenêtres pour se protéger des intempéries.

Les Incas étaient de fins observateurs des astres en témoignent cette pierre représentant la constellation de la Croix du Sud et cette sphère polie remplie d'eau dans laquelle les étoiles ou la lune se reflétaient la nuit.

A l'écart, sur une plate-forme à laquelle il faut accéder en gravissant de nombreuses marches, un gros bloc en forme de table taillé d'une seule pièce dont les angles pointent les quatre points cardinaux, servait d'horloge astronomique très précise pour définir les taches agricoles entre autre. La légende dit que les prêtres y attachaient le soleil le jour du solstice de juin, début de l'hiver dans cet hémisphère, pour ne pas qu'il s'éloigne. Ce lieu s'appelle donc l'Intihuatana " lieu où s'attache le soleil".

Sur la grande place des gradins accueillaient la population pour les fêtes et les célébrations.

Le site est vertigineux. Partout des escaliers suivent les pentes raides, des centaines de marches usées et polies par le temps. Les Incas adoraient jouer avec les dénivelés, nous un peu moins en fin de journée !

Sur les restanques cultivées les escaliers sont des pierres insérées dans les murs à l'horizontal. Pratique et ingénieux.

La pierre sacrée représente la montagne qui est derrière elle mais en cette fin d'après-midi la brume commence à retomber doucement des hauteurs sur lesquelles elle avait passé la journée, cachant les sommets.

La ville qui ne paraissait pas si étendue vue d'en-haut est en fait d'une bonne taille ! ça commence à tirer dans les jambes à force de crapahuter dans tous les sens.

Fin de journée. Le site va retrouver pour quelques heures silence et sérénité, la foule est partie, les derniers bus redescendent vers l'agitation d'Aguas Calientes. Nous sommes un peu sonnés par cette fabuleuse déambulation dans cette cité perdue au milieu de ces pics embrumés. Le Machu Picchu, l'une des nouvelles sept merveilles du monde, a largement tenu ses promesses. Nous reprenons le train pour Ollantaytambo, claqués mais émerveillés. Une pierre précieuse supplémentaire à ajouter à notre aventure.