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Valle Calchaquies, de Cafayate à Salta

Jeudi 21 Février 2019, notre devoir accompli à Cafayate, la soute pleine, nous suivons la Ruta 40 qui ici se transforme en longue piste et serpente le long du rio Calchaqui qui donne son nom à la vallée que l'on traverse, spectaculaire et magnifique.

A peine sortis des vignes le désert reprend ses droits, le sable recouvre tout dans les pueblos moribonds aux infrastructures abandonnées.

Mais parfois, au milieu de je ne sais où, surgit une église et un parc de jeux aux allées tracées au cordeau et aux plantes arrosées, seuls signes de l'existence de gens vivants dans le coin. Les couronnes et pompons colorés du cimetière sont les seules taches de couleur dans ce paysage minéral.

Des gens vivent ici, de temps en temps on croise une maison en pisé où sèchent sur le toit de paille des graines de caroube. Un enclos pour le cheval, deux fours, basta ! Mais les maisons sont parfois équipées de panneaux solaires et l'eau du rio n'est jamais très loin.

Dans la Valle Calchaquies Sud la roche se dresse verticalement, une curiosité géologique. Cette partie de la Valle s'appelle Quebrada de las flechas, la fracture des flèches. On essaie d'expliquer à Aloys la formation des Andes et le glissement des plaques tectoniques qui créent tant de paysages incroyables. Mais il n'est pas très réceptif à la géologie plus fasciné par le côté désertique, cherchant serpents et araignées et s'attendant à voir débarquer un cow boy.

La piste débouche dans la vallée fertile, immense jardin potager, oasis verte, souffle de vie.

On fait une pause à Molinos. Une partie du pueblo a conservé le charme d'autrefois et son église est une jolie découverte avec son chemin de croix brodé et encadré de bois de cactus.

Juste en face, une hacienda, demeure de l'ancien gouverneur, reconvertie en hôtel bien agréable avec son grand patio à l'ombre d'un arbre immense. On prend quelques photos et on repart juste avant l'arrivée de deux bus de touristes !

Plus loin on traverse le rio pour trouver un endroit calme, la journée est déjà terminée, 130 km de piste, aussi magnifique soi-elle, c'est très long et ça use. On se couche bien crevés mais encore une fois conquis par cet Ouest Argentin.

Vendredi 22 Février 2019, de notre bivouac la vue sur le rio est incroyable. Séance d'école rapide et efficace ( ça arrive parfois !) et nous voici sur la route des artisans. Quelques familles tissent laine de lama et de moutons pour en faire des ponchos, capes, étoles. Un travail ancestral magnifique.

On admire l'habileté des tisseurs, la complexité de l'organisation de la trame, le travail de préparation pour avoir un tissu plus ou moins fin. On apprend que la laine de lama ne se teint pas, celle de mouton si. Mais on est surpris par les prix, presque 150 euros pour un poncho !

Cette famille a fait un bel effort pour rendre sa maison attractive. Le monsieur est fier de nous expliquer son travail.

Dans cette autre famille un joli châle en laine de lama me fait de l’œil. Pour un pris beaucoup plus raisonnable je repars avec ma trouvaille en faisant une heureuse même si ça ne se voit pas ! elle a souri avant et après la photo !

Une dernière famille a investi les côtés de la piste. On s'arrête à cause de l'ânon, trooop mignon. Puis on fini par discuter un long moment avec la famille très sympa et très nombreuse qui produit à "grande" échelle puisque 12 personnes tissent à plein temps.

Devant la maison de la abuela un montage photo met en scène l'abuelo disparu, papalement entouré ! Abuela nous explique que son mari Alfonso avait tissé un poncho pour la venue du pape Jean-Paul II. Son fils a tissé celui du pape François. Ils ont donc une belle petite réputation. Et il parait qu'une télévision française est venue les filmer ! des stars. Abuela a eu 12 enfants, elle a donc pas mal de main-d’œuvre surtout en période de grandes vacances. Ses petits-fils apprennent le tissage ou la fabrication des bobines.

L'endroit a un charme dingue et Abuela est délicieuse mais sait mener la ronde des affaires.

Son fils qui vit en face, sa belle-fille, les enfants, les neveux, ce petit monde visite Philéas, fascinés par notre voyage et notre mode de vie. J'échangerai bien quelques semaines avec eux pour apprendre à tisser et disfrutar de la vida avec Abuela !

Grands abrazos avant de repartir chargés d'une délicieuse tomme de brebis qu'ils vont chercher à 6h de cheval d'ici, d'une magnifique étole qui nous rappellera le joli moment partagé avec cette famille et d'un plein d'eau pour Philéas. Aloys est au paradis entre l'ânon, le chien, la perruche apprivoisé, les enfants, le ballon, le jardin, il ne veut plus partir. La famille me propose de le garder pour lui enseigner le tissage ... l’intéressé  qui commence à comprendre l'espagnol dit "Chau Chau" et saute dans Philéas !

Non loin de chez eux la route aboutie dans le pueblo de Seclantas. Le soleil écrase les deux rues presque désertes mais nous sommes surpris par la fraicheur de la place. Chaque pueblo possède la sienne, souvent très bien entretenue et toujours agréable.

Le temps de nous garer et Aloys s'est déjà fait un copain, le seul habitant du coin dehors à l'heure de la siesta. Un peu difficile à comprendre le vieux gaucho mais il est tout content de se voir en photo avec son chien.

Un seul restaurant propose des plats typiques de la région comme le tamal, un genre de polenta à la viande et au cumin cuite dans une feuille de mais. Délicieux. Ce serait une recette pré-hispanique. Nous avons aussi goûté le locro, un ragoût de potiron et haricots blancs mais il y a de nombreuses autres spécialités andines qui changent un peu du traditionnel asado, papas fritas du reste du pays.

Il est temps de reprendre la Ruta 40 sur une trentaine de kilomètres pour arriver à Cachi, la jolie ville touristique de cette Valle Calchaquies.

C'est la saison de l'oignon dans la vallée, les sacs attendent un peu partout le ramassage du camion .

Le vent crée tout le temps des tourbillons de sable, impressionnants mais inoffensifs, ils disparaissent aussi vite qu'ils reviennent.

Un dernier coup d’œil sur le sublime paysage aux teintes estompées par le vent de sable

et voici Cachi, dans son jus colonial aux maisons d'argile blanchies. Jamais détruite par un tremblement de terre elle garde le charme et la douceur de vivre à l'Espagnol.

Eglise typée de la région, Cabildo étincelant, grande place pavée, parc ombragé, ruelles vides à l'heure de la siesta.

Cachi la belle se refait sans cesse une beauté, mirée et admirée par une foule toujours plus nombreuse mais plutôt calme aujourd'hui.

A partir d'ici nous pouvons continuer à suivre la Ruta 40 qui s'enfuit en altitude jusqu'à San Antonio de los Cobres près de la frontière Chilienne et du Paso Sisco, 3800 m ... Un périple de 150 km de piste plus ou moins sévère qui rejoint la Quebrada del Toro par laquelle on peut redescendre vers Salta. On lui préfère l'option bifurcation en empruntant le parc national de los Cardones et la Recta Tin-Tin, un drôle de nom tout droit venu des Incas car c'est une portion de route construite sur un tracé de leurs fameux chemins, 18 km parfaitement rectilignes.

En Argentin, Cardones c'est le nom du cactus. Il n'y en a qu'une sorte, le cactus "chandelle". Et quand on pense qu'il pousse de 5 cm tous les 8 ou 10 ans on imagine l'âge de ces vénérables spécimens qui couvrent la vallée.

A notre habitude nous bifurquons sur une piste et faisons quelques km avant de trouver l'endroit parfait pour la nuit, plat, isolé, avec vue de préférence. Ici nous ne serons pas dérangés, même pas par un petit zorro, fréquent dans les parages.

 

Samedi 23 Février 2019, Salta n'est qu'à 160 km mais il faut traverser la Quebrada de Escoipe. La route prend vite de l'altitude et après un bref salut aux cactus nous grimpons jusqu'au col.

C'est écrit sur le panneau, 3457 m sobre el nivel del mar. Pas mal. La vue nous montre la route à venir qui se transforme très vite en piste. Nous ne sommes pas arrivés à Salta !

Contrairement à nos craintes la piste n'est pas si difficile ni vertigineuse et Philéas se comporte comme un chef.

Au fond de la Quebrada c'est l'heure d'une pause déjeuner. Des voisins viennent nous saluer au bord du rio. L'un d'entre eux, moins timide, tente une approche rapide ce qui surprend Aloys qui s'enfuit en hurlant persuadé qu'il venait lui cracher dessus ! On n'est pas dans Tintin ! Rassuré en ne voyant pas de jet ( en tout cas pas dans la gueule ! ) il finit par faire ami-ami armé quand même de son épée, on ne sait jamais.

L'arrivée dans les environs de Salta n'est pas de tout repos. Dans la banlieue "chic", la ville de San Lorenzo est une succession de rues agréables aux maisons très cossues. On doute que les propriétaires apprécient la vue sur Philéas. On tourne avant de nous résoudre à tester le camping. Mais en apprenant qu'une fête aura lieu ce soir et jusqu'à 5 heures du matin nous fuyons malgré le monsieur qui veut nous parquer au fond en nous certifiant que nous n'entendrons rien ... Mouais, les Argentins le samedi soir on connait ! Même les Wallisiens de Nouméa ne font pas le poids avec leur sono portable, c'est pour dire .

On perd des heures à chercher un petit coin sympa, on fit un arrêt chez le gentil boulanger qui finit dans Philéas puis on croise la police qui nous conseille de nous installer sur la place du village. Tout ça pour ça ! Mais c'est finalement une bonne option, il fait très chaud, on sera bien sous les arbres et Aloys pourra profiter des jeux et des enfants.

Dimanche 24 Février 2019, il fait encore plus chaud qu'hier, pas normal nous disent les gens du coin. On décide de remettre la visite de Salta à plus tard. On repère un camping dans la campagne, on se dit que ce sera plus sympa pour passer la journée ...la bonne idée du siècle ... 200 personnes dans un bain de pied, musique et asados en famille élargie, les enfants qui hurlent, on adore ! Mais on décide de rester pour Aloys qui, lui, passe une journée idéale ! Vis ma vie au camping ...

Le ciel se couvre, l'orage gronde, un orage qui dure toute la nuit avec des éclairs incessants et une bonne pluie.

Lundi 25 Février 2019, Salta sous ciel gris. On l'appelle "La Linda", la belle, seule ville d'Argentine non détruite par un séisme qui conserve des traces de son passé coloniale. La plupart des bâtiments sont autour de la Plaza 9 de Julio. Le Cabildo, la mairie, et la belle façade du Museo de Arqueologia de Alta Montaña, le MAM, un musée consacré à la découverte en 1999 de trois momies Incas au sommet du volcan LLullaillaco, des enfants sacrifiés au XVI ème siècle. Un garçon de 7 ans et deux filles de 6 et 15 ans retrouvés dans un état de conservation exceptionnel grâce au froid et à l'air sec. Et avec eux tous les vêtements d'apparat, statuettes, coupelles, peignes, petits sacs, témoignages inestimable du peuple Inca. La visite se conclue par l'exposition d'une momie d'enfant, elles tournent tous les six mois. En ce moment c'est celle du petit garçon, de l'âge d'Aloys.

Nous l'avions bien préparé et je l'ai accompagné doucement vers la salle où le corps est exposé. Puis je lui ai proposé de le voir de loin et de nous rapprocher s'il en avait envie. L'enfant semble dormir assis, la tête penchée, un pan de sa cape lui cache en partie le visage. Ses cheveux sont noirs, lisses, brillants, ses ongles intacts, ses vêtements comme tissés hier. Aloys a d'abord été déçu, il pensait voir une momie comme en Égypte ! Puis il a semblé impressionné, m'a demandé si c'était ses vrais cheveux. Je l'ai laissé un peu regarder mais j'ai senti qu'il était impressionné donc je lui ai proposé de ressortir et de me poser des questions. Il m'a demandé si ce petit garçon se réveillerait un jour ...

Une rue plus loin s'élève l'église de San Francisco, un couvent du XVIII ème, rénovée.

La Plaza 9 de Julio s'anime à la tombée du jour. On vient y voir les danseurs de Zamba qui virevoltent autour d'un mouchoir blanc. L'homme porte une drôle de jupe-culotte très ample.

Sur la place la Cathédrale s'illumine, adoucissant le rose bonbon dont elle est vêtue.

Un enfant se faisant cirer les pompes, c'est rare ! Père et fils en profitent tandis que je fais un petit tour, sage, dans quelques jolies boutiques du coin.

Partout de petits vendeurs de rue,. Mais il y a une sacrée queue chez celui-ci . Le nom peut-être ?

On retourne au parking où nous avons laissé Philéas en passant devant l'église de la Candelaria, toute de bleu vêtue, Salta aime la couleur pour célébrer le Ciel.

Il ne fait toujours pas beau lorsque nous montons au sommet du Cerro San Bernardo qui domine la ville et que l'on peut atteindre en voiture ou en téléphérique ou à pied. Nous dormons d'ailleurs depuis deux nuits juste à l'endroit où commencent les 1070 marches à gravir. On a choisi Philéas pour grimper !

Le troisième jour est consacré à de l'intendance. Vidange et freins neufs pour Philéas dans le quartier des mécanos. Eh oui, pas toujours linda la vida ! On visite la ville différemment. Demain on repart vers l'Ouest .