· 

Entre vignes et cactus

Samedi 16 Février 2019, la pause verte n'aura pas duré bien longtemps. De Londres à Amaicha del Valle la ruta 40 longe une vallée aride où le sable est encore et toujours soulevé par un vent plus ou moins présent asséchant encore plus l’atmosphère. Nous quittons la 40 pour bifurquer vers une vallée plus fertile en passant par le village d'Amaicha.

Amaicha del Valle

Le pueblo d'Amaicha del Valle, à plus de 2000 mètres d'altitude, est peuplé d'indiens qui tentent de conserver leurs traditions au travers des tissages, poteries, vanneries, objets en bois de cactus. Mais on voit aussi beaucoup de" made in ailleurs" parmi les nombreuses échoppes de souvenirs.

Ici le pain se cuit dehors, sous forme de galettes, directement au brasero, parfois fourrées de jambon et fromage.

On découvre le bois de cactus, très décoratif et utilisé en planches pour les toits des maisons car très résistant. On ne savait même pas que le cactus faisait du bois. Mais ça semble logique quand on voit la taille de certains spécimens.

Sur la place c'est jour de loto. Une dame très consciencieuse lit et épelle à voix très forte et très distincte chaque numéro plusieurs fois. On suppose que ce doit être pour les enfants ou les personnes ne sachant pas bien lire les chiffres mais ça nous fait rire... Aloys aimerait participer mais la partie est bien entamée.

Comme souvent en Argentine les jeux pour enfants datent un peu mais ont une bonne bouille. Mieux vaut ne pas être trop regardant sur la sécurité, la rouille ou la saleté mais Aloys s'en fiche pourvu que ça balance. Au milieu, un tas de pierre invite à une offrande à la Pachamama, la Terre Mère, symbole de fertilité chez les Incas. Nous sommes bien dans les Andes.

Après Amaicha la route grimpe par lacets au sommet de cette vallée sèche tapissée de cactus.

On ne sait plus bien où l'on est. La route est vraiment sympa.

Tafi del Valle

Le col franchi, le paysage change de façon stupéfiante, on se croirait en Suisse avec vertes prairies et vaches en pagaille. En bas se cache Tafi del Valle, riche et touristique petite ville aux jolies maisons bien finies avec vue sur le lac servant de résidences secondaires à des Argentins aisés venus prendre le frais. Vaches et chevaux y sont rois, laissés en liberté ils broutent paisiblement les bas côtés. 53 km à peine depuis Amaicha et nous sommes encore ailleurs.

Pleines de touristes et de boutiques de souvenirs nous traversons les rues de Tafi sans nous arrêter et trouvons près de la rivière un endroit parfait pour profiter de la fraicheur du soir autour d'un magnifique asado au clair de lune.

Dimanche 17 Février 2019, la journée passe, tranquille, entre les vaches qui paissent et les promeneurs du dimanche qui viennent discuter avec nous.

On finit quand même par aller faire un tour au bord du lac, rendez-vous des familles plus modestes qui s'installent avec leur éternelle bouteille de coca et la musique criant du fond de leur voiture mais toujours dans les rires et la bonne humeur. En fin de journée le lac retrouve sa quiétude, une écharpe de nuages vient apporter l'humidité fertile et la fraicheur agréable.

Lundi 18 Février 2019, nous quittons la jolie vallée de Tafi et rebroussons chemin, les 53 km qui nous séparent du sable et des cactus.

Ruines de Quilmes

Après avoir dépassé Amaicha nous retrouvons la bifurcation avec la 40 et quelques km plus loin le site pré-colombien de Quilmes. A notre grande surprise un très beau centre d'interprétation nous explique la construction et la vie de cette cité sacrée des indiens Quilmes. On y apprend qu'ils sont les seuls à avoir résisté aux Incas puis aux Espagnols grâce à leur système de solidarité qui leur permettait de partager leurs récoltes et de s'unir contre l'adversité au lieu de se battre entre eux.

Nous passons un long moment à regarder la grande fresque du temps puis à écouter et regarder les petits dessins animés thématiques racontant la vie sociale des indiens. Une magnifique collection d'objets trouvés sur le site complète cette belle visite.

Et le soleil a disparu lorsque nous commençons à marcher à travers une partie de la cité construite en labyrinthe et en terrasses sur les pentes d'une colline à partir du XI ème siècle. Elle s'étend sur 30 hectares car elle abritait 3000 personnes , énorme pour l'époque !  Le chef vivait tout en haut de la colline à plus de 1800 m d'altitude. De part et d'autre, deux forteresses pour surveiller toute la vallée. Une partie de la cité restaurée permet de bien saisir l'ampleur du site. Grâce à un grand bassin de rétention en haut de la colline ils collectaient l'eau redistribuée par un ingénieux système d'irrigation. Ils cultivaient ainsi mais, pomme de terre et quinoa et élevaient des lamas pour leur viande et leur laine. Ils réduisait le mais en farine avec des mortiers taillés dans le roc.

Après avoir résisté pendant 130 ans ils finirent par se soumettre aux Conquistadores en 1667, décimés et déportés vers Buenos Aires. Certains réussirent à s'enfuir, ce sont leurs descendants qui entretiennent ce magnifique site sacré. Sinon ne resterait de ce peuple fier et courageux qu'un nom associé à la bière du pays, la Quilmes ...

Aloys est fasciné par ce labyrinthe de maisons, court, se cache, joue à l'explorateur et fait son offrande à la Pachamama en ajoutant une pierre sur le tas mais la nuit tombe et nous chasse vers le parking sur lequel nous passons la nuit.

Cafayate

Mardi 19 Février 2019, réveil sous le chaud soleil de Quilmes, ça tape fort. On part chercher un peu de fraicheur 50 km plus loin toujours sur la Ruta 40. Par la magie de l'irrigation la terre sèche hérissée de cactus devient océan de vignes et produit un vin blanc réputé, le Torrontes, sec et fruité. Les propriétés viticoles s'étirent autour de la petite ville de Cafayate, étape agréable avec sa place centrale et ses grands arbres.

On trouve une place juste devant la Casa de las empanadas, ces petits chaussons fourrés de viande, fromage ou légumes que l'on trouve partout en Argentine. Cuites au four dans le sud elles sont souvent frites dans la région de Salta.

On s'attable devant des murs entièrement couverts de messages d'éloges et de remerciements à la gloire de l'empanadas ! On teste. C'est bon mais pas autant que le plat de viande aux petits légumes, muy rico ! Un délice.

Une grosse envie de fromage nous pousse vers une chèvrerie pour le plus grand bonheur d'Aloys. Malgré le ciel qui noircit on accompagne notre apprenti fermier lors de ses premiers pas avec les adorables biquettes affamées qui mangent de l'herbe comme toutes les biquettes mais aussi et surtout des grappes de raisins sans raisins dont elles se régalent tout comme les vaches un peu plus loin ! Le propriétaire de la ferme est aussi viticulteur !

Enthousiaste et attendri Aloys baisse sa garde et tombe fesse la première dans la mangeoire où il ne tarde pas à se faire brouter les cheveux ! On rit tellement qu'on ne comprend pas qu'il a les fesses pleines de petits piquants ! on finit par le sortir de là pour le délivrer de la gourmandise insatiable de la troupe. Il ira se réfugier chez les chevreaux pas plus disciplinés.

L'orage gronde sur la Cordillère mais la pluie ne vient pas. Il fait quand même moins chaud, on trouve une place pour la nuit sous un arbre à l'entrée de la chèvrerie dont le fromage, soit dit en passant, ressemble à du Gouda ferme avec un goût de parmesan. Exit nos rêves de petits palets blancs et crémeux sur un verre de Malbec ...

Mercredi 20 Février 2019, cap sur le domaine viticole de la famille propriétaire de la chèvrerie. Un Argentin nous en a dit le plus grand bien, excellent vin et belle dégustation. Quelques kilomètres d'une très jolie piste et de chouettes rencontres. Prometteur.

La Bodega Domingo Molina domine la vallée avec vue magnifique sur les vignes. Un léger vent, quelques tables posées dans l'herbe, une dégustation de cinq vins accompagnés d'un fromage de biquette au piment et c'est le paradis. Rien de pompeux comme on a pu voir ailleurs, ni à la va-vite, on savoure chaque gorgée de vins délicieux en prenant tout notre temps. Le plus dur est de choisir lequel on préfère pour refaire la cave de Philéas ! Certes les blancs sont bons mais les rouges aussi ! On repart trois heures plus tard avec nos 12 bouteilles ... dans la soute.

Une très belle façon de rendre hommage au travail de la vigne !