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Vallée d'un Paradis presque perdu

Jeudi 7 Février 2019, Valparaiso. C'est par le haut que nous devons la conquérir, à travers les rues escarpées qu'il faut descendre jusqu'à la mer. Une approche un peu raide amenée par un GPS fou. On relève le défi de faire glisser Philéas sur les pentes sous les yeux ahuris des habitants. En bas, dans la brume matinale, on devine des grues, des containers, Valpo est un port depuis 1544.

Valparaiso, perle du Pacifique, escale bienvenue pour des marins fatigués par la longue traversée depuis l'Atlantique, frigorifiés par les tempêtes en Terre de Feu, Valpo la superbe, riche et prospère, tuée en quelques décennies par le canal de Panama.

Valparaiso d'en haut,Valparaiso d'en bas, nous y sommes entre bus presque modernes et trolleys d'un autre âge. Il nous faut juste faire le tour d'une cuadra, un pâté de maison, pour atteindre notre but sans stress et sans encombres.

Philéas trouve sa place devant le port de commerce et le service des douanes, à l'abri d'une baraque à empanadas et d'une fresque murale qui donne le ton (pas le meilleur ...). Le señor, très sympa, nous le garde toute la journée pour l'équivalent de 10 euros et en plus il aura droit à de la musique à fond et à une bonne odeur de frites.  Nous voilà rassurés et prêts à partir à l'assaut des cerros, ces collines qui font la réputation de Valpo, elle en compte 42 sur lesquelles se répartissent 300 000 habitants.

La bonne idée c'est d'avoir installé des funiculaires pour les gravir. En partie rénovés ils sont bien utiles aux habitants du haut. C'est un peu impressionnant la première fois. On commence par celui d'Espiritu Santo, il date de 1911 mais a été modernisé.

Cerro Bellavista

Le ciel est encore gris lorsque nous arrivons sur le cerro Bellavista. Les maisons font penser à un décor de théâtre.

Lorsque Valparaiso était une ville riche et prospère, lorsque les marins qui revenaient des rigueurs du Cap Horn chantaient sa beauté et celle de ses filles, lorsque les riches commerçants édifiaient leurs maisons au pied des collines, les petites gens s'installaient tout là-haut et récupéraient les tôles et les fonds de pots de peinture des cales des bateaux. Ainsi sont nées les couleurs de Valpo.

Et instantanément, on aime. On s'y sent bien. On a envie d'y flâner, de se perdre dans ce poème à ciel ouvert.

Le temps d'un déjeuner la brume est chassée et Aloys s'est fait une amie pour la vie ! La propriétaire du restaurant Mirador avec laquelle il papote pendant des heures. On ne les arrête plus.

Un cerro ça se monte, ça se descend, ça se remonte, ça se sent aussi, l'odeur de la liberté canine ... Ce n'est pas très propre mais pas très sale non plus et de toute façon on se promène le nez en l'air !

Dans le quartier, des fresques ont été peintes pour composer un genre de "musée" à ciel ouvert, pour tous les goûts.

Aloys a choisi la sienne mais surtout la phrase qui lui plait beaucoup et qu'il va répéter toute la journée ... merci l'artiste.

Nous redescendons dans la basse ville balafrée comme en haut par l'enchevêtrement des fils électriques . On plaint les réparateurs.

A Valparaiso les murs, universel moyen d'expression, ont d'abord servi à exprimer le mécontentement face au pouvoir. Puis à l'art. Mais rares sont les artistes talentueux.

Autre funiculaire, autre cerro. L'ascensor Reina Victoria grimpe au cerro Concepcion , l'un des plus touristique. Les funiculaires coûtent l'équivalent de 10 centimes d'euro, on ne s'en prive pas.

Cerro Concepcion

Le regard glisse de collines en collines, elles s'étendent vers l'intérieur des terres, plus loin, plus pauvres souvent.

Face au Cerro Concepcion, le Cerro Alegre et ses baraques accrochées à la roche et dont on se demande comment elles peuvent contenir des êtres humains. Tremblements de terre, ras de marée, feu, les dangers qui guettent Valpo sont bien présents, les habitants bien vulnérables. Mais tout ici respire la joie, la gaieté, une forme d'insouciance même si la vie n'y est certainement pas facile.

De temps en temps une touche de Français émerge du paysage.

De temps en temps aussi on peut entrer dans un dessin, fascinant pour un enfant.

Et la journée file au gré des rues pavées. Impossible de voir le temps passer, le regard, l'esprit, les sens sont en permanence sollicités. Les couleurs se côtoient, improbable palette, criarde ailleurs, harmonieuse ici. 

Cerro Alegre

Les goûts et les couleurs !  Il suffit d'oser !  On dévale en riant le cerro pour retrouver Philéas et reposer nos yeux des milles joyaux décatis de la Vallée du Paradis. On aime, on revient demain. Hasta mañana Valparaiso.