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La Carretera austral

Vallée de Chacabuco

Samedi 29 Décembre 2018, après être entrés au Chili hier soir nous avons capitulé face au vent et trouvé un coin à peu près abrité pour y passer une nuit seuls au monde. Nous sommes dans la vallée de Chacabuco. Par là nous rejoindrons la Carretera Austral.

Cette route, initiée par Pinochet pour désenclaver la Patagonie Chilienne trop tributaire des routes argentines, a été commencée en 1975. Une œuvre titanesque de 1200 km à travers fjords, glaciers, forêt dense, falaises, cols abrupts, lacs et rivières sous un climat rude et humide. A l'origine non revêtue elle était réputée très difficile et pas adaptée aux véhicules lourds, ce qui est encore le cas malgré une partie bitumée depuis peu. De Villa O'Higgins à Puerto Montt elle alterne entre ripio défoncé, section boueuse, petites parties goudronnées, caillasse, nids de poule en pagaille, tôle ondulée et plusieurs bacs. A nous de nous adapter !

En attendant la route mythique nous traversons une vallée magnifique dont la piste est plutôt bonne et facile. Paradis des guanacos qui se régalent d'herbe tendre et de fleurettes en ce printemps austral. Les bébés sont si mignons, on s'arrête longtemps pour les observer brouter, le pelage bien propre et qui semble tout doux.

On arrive assez vite sur la fameuse Carretera, la Ruta 7, à environ 200 km  au nord de Villa O'Higgins. Nous sommes accueillis par la pluie. Dans cette partie du Chili il pleut des trombes.  Ici, peu de camping-car, c'est plutôt le paradis des 4x4. On reste prudents et notre moyenne est de 35 km/h ...

Dans la grisaille on devine le bleu glacier des lacs et des rivières qui doivent étinceler sous le soleil.

Pas de soleil non plus à Puerto Rio Tranquillo , pueblo niché au fond de l'immense lac General Carrera (qui se partage entre Chili et Argentine). On fait étape ici pour aller voir des blocs de marbre sculptés par les eaux. De nombreux rabatteurs vendent des places à bord de leurs petites embarcations. On renonce, il y a trop de vent en plus du temps maussade. En plus on ne peut pas tout voir ni tout faire, chaque excursion ou visite a un coût, surtout au Chili, très cher !

On se contente d'une rapide visite des trois rues du pueblo dont les maisons sont recouvertes de bardeaux façon écailles de poisson. L'église ne peut pas se louper, pub géante sur une antenne (re)convertie ! Il y a un bon réseau, on passe une journée pluvieuse dans Philéas et une nuit supplémentaire car nous aimerions faire réparer notre pneu abimé sur la piste, il faut attendre lundi.

Lundi 31 Décembre 2018, en ce dernier jour de cette folle année nous reprenons le ripio en direction de la ville de Coyhaique, la "capitale" de cette région reculée. Rayon de soleil timide mais encore beaucoup d'humidité. On le prend avec philosophie. On roule tout doucement, cette partie est pleine de trous, un peu pénible.

On trouve un petit coin tranquille pour se souhaiter une nouvelle année dignement, bien avant l'heure légale. Demain sera juste un autre jour dont il faudra profiter, comme de chaque instant de ce voyage exceptionnel.

Mardi 1er Janvier 2019, année pluvieuse, année heureuse ! Le froid et les ondées ne découragent pas notre pêcheur en herbe impatient de tester sa canne reçue à Noël. Sauf qu'il manque l'essentiel, un appât ! Posté au bord du lac Elizalde il enfile un bout de saucisse sur son hameçon ! Il y croit ! Et passe la journée à développer son geste. Malgré sa persévérance il rentrera gelé, bredouille mais ravi !

Mercredi 2 Janvier 2019, serait-ce du soleil ? Un rayon vient caresser les collines qui entourent Coyhaïque. Quelques courses plus tard et on laisse derrière nous cette petite ville perdue.

Sur le bord de la route certains se lâchent ! Icones, statues, autels, fleurs en plastique fleurissent ! Celle-ci est notre top one !

D'autres, au contraire, ont manqué d'imagination ! Un pont appelé "pont sans nom" !

Jeudi 3 Janvier 2019, réveil au bord d'un fjord. Le joli pueblo de Puerto Cisnes affirme son identité Chilienne. La vie de ses habitants ne doit pas être facile dans ce coin de Patagonie. Pluie, vent, froid, il faut être natif d'ici pour accepter climat et isolement. Alors le jour où le ciel dévoile un peu de bleu est considéré comme un jour d'été. Rare. Précieux. Il pleut tellement dans cette région.

On remonte le Rio Cisnes

La Carretera est très fréquentée par de courageux cyclistes concentrés. Rares sont ceux qui répondent à nos sourires. Ils souffrent ...

De la fumée s'échappe de Philéas ! Rien de grave, le tuyau du liquide de refroidissement est percé. Des Brésiliens adorables s'arrêtent et aident Gaspard à réparer pendant que je papote avec les filles. Et après une grande embrassade générale Phléas repart au quart de tour.

Tout au fond du fjord, Puerto Puyuhuapi. On se gare par hasard devant le van de Jennifer et Guillaume ! Il est si petit le monde des voyageurs. On décide d'avancer un peu plus loin, vers la Junta où rouille un vieux portique à la gloire de Pinochet.

Vendredi 5 Janvier 2019, on a passé la soirée tous les cinq autour d'un bon feu, sous les étoiles. Et ce matin on profite avec bonheur d'un beau soleil et d'un peu plus de chaleur. On resterait bien calés ici mais on a décidé d'avancer un peu plus vite. Les semaines passent, on ne peut malheureusement pas s'arrêter dans chaque petit coin sympa !

Sur la route on croise un village en partie enseveli l'année dernière par une gigantesque coulée de boue. Impressionnant. La route est dégagée et traverse la coulée. On pense aux gens qui se trouvaient sur son chemin, au hasard qui a voulu que la montagne s'effondre sur un petit pueblo isolé alors qu'il n'y a rien avant, rien après.

On roule au rythme du bétail ...

Ici c'est Chaïten. Playa de Santa Barbara. Le Pacifique. Le sable est noir, volcanique.

Ici, il y a bientôt 11 ans, une montagne s'est mise à fumer, bouleversant la vie des 4000 habitants qui y vivaient paisiblement. Personne n'avait imaginé que ce volcan considéré comme éteint donc totalement inoffensif était en fait juste en sommeil. On sait qu'il avait explosé 1700 ans avant JC avant de se faire oublier.

Un petit panache continue à couronner le sommet, là-bas, derrière la ville.

Chaiten n'est pas attirante. Quelques larges rues sans trottoirs, des maisons sans charme à part quelques rescapées qui tombent presque en ruines, deux ou trois commerces de base, nada mas.

Ah si , une lavanderia ! On l'a cherché malgré le panneau devant. On s'est dit qu'elle devait avoir déménagée, mais non, c'est bien ici. On discute avec la dame, elle dit qu'elle a une maison moderne plus loin, à l'abri du volcan mais qu'elle préfère vivre ici à cause des touristes de passage. Elle lave le linge chez elle et le fait sécher sur la corde ou devant le poêle ! Heureusement aujourd'hui il fait beau, on ne sentira pas le feu de bois!

Retour à Santa Barbara, bien plus calme que son homonyme Américaine ... Le temps est estival, Aloys met son maillot, la plage est interdite à la baignade mais un ruisseau vient s'y jeter. Un terrain de jeu en toute sécurité. Un morceau de polystyrène lui sert de bateau pirate puis de planche de surf. Il s'amuse toute l'après-midi dans l'eau glacée, heureux comme un poisson.

Dimanche 6 Janvier 2019, le temps s'est couvert ce qui n'est pas plus mal pour monter sur le volcan Chaitén. On prend la piste au nord, à une dizaine de kilomètres.

De la route on aperçoit le sommet fumant. C'est un peu inquiétant mais il parait qu'il vaut mieux le voir souffler sa fumée, c'est quand il n'y en a plus qu'il faut partir en courant, risque d'explosion quand il est sous pression.

Au début du sentier on apprend que l'éruption s'est produite au matin du 2 Mai 2008. Une explosion crache un nuage de cendres de 20 km de haut qui file vers Buenos Aires. Suivie quatre jours plus tard d'une coulée pyroclastique qui dévale la pente à toute vitesse. Puis la pluie tombe entrainant des coulées de boue et de cendres, les lahars Heureusement les habitants ont été évacués à temps. Mais le pueblo est recouvert en partie et mettra des années avant de reprendre vie. On découvre aussi qu'il y a un dénivellé de 600m sur 2 km pour arriver au bord de la caldera ... On souffre déjà !

Depuis dix ans la nature meurtrie repousse de plus belle aidée par le climat humide. Les troncs sans tête sont restés droits malgré le cataclysme.

C'est dans cette végétation luxuriante que l'on grimpe d'emblée. Des "escaliers" sont aménagés mais ça ne facilite pas vraiment la montée !

Deux heures plus tard, à bout, il reste encore le sommet à gravir avant d'atteindre le Graal !

On dirait la porte d'entrée du volcan. Avec le ciel menaçant et le vent froid qui se lève nous sommes dans l'ambiance.

Et au bout d'un bel effort nous sommes face à la montagne qui fume, face au dôme créée par l'éruption au milieu de la caldera. On se sent tout petit et vulnérable.

La descente est raide pour retrouver Philéas, un confetti posé loin là-bas. Nous sommes bien crevés mais très contents d'avoir vu de près notre second volcan. Le soir, à Santa Barbara, la terre tremble, une petite secousse un peu angoissante surtout au bord de la mer...

Le lendemain il pleut des trombes. Gaspard et Aloys passent des heures dans l'eau chaude des thermes Amarillos sous un déluge et une tempête de vent. On retourne sur notre plage volcanique rejoints par Jennifer et Guillaume à qui on dit au revoir. Ils partent vendre leur van à Puerto Montt. Et nous on a un ferry à prendre demain matin.

La Carretera va jusqu'à Puerto Montt mais il faut prendre trois ferries pour y arriver. Nous avons choisi une autre option, l'île de Chiloe.