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Rendez-vous à Ushuaia

Dimanche 18 Novembre 2018, après avoir quitté les manchots royaux nous roulons vers la frontière. Nous avons reçu un message du "gang des Chiliens", ils sont bloqués depuis deux jours, le Chili refuse de les laisser entrer en Argentine pour des histoires de voitures alors qu'ils ont acheté leurs véhicules au Chili et ont déjà fait une grosse partie de l'Argentine, donc déjà passé la frontière, bref, à n'y rien comprendre. Ils nous demandent si on peut les transporter jusqu'à Ushuaïa, ils laisseront leurs vans au Chili. On file donc pour essayer de les aider.

Sur la piste nous croisons deux jeunes garçons luttant contre le vent violent avec leurs gros sacs à dos. Un Belge et un Russe. Nous les faisons monter et sympathisons rapidement avec Georges qui voyage à pied depuis deux mois et nous raconte son périple. Le Russe, lui, espère se faire engager sur un bateau qui part en Antarctique, son rêve ultime. Il nous demande si on peut le déposer dans la ville de Rio Grande côté Argentin. Chargé de ce petit monde nous arrivons à la frontière de San Sebastian.

Nous tombons sur nos amis qui viennent tout juste d'obtenir leur autorisation de sortie du Chili ! Ravis ils filent pour passer du côté Argentin. Nous les suivons rapidement, toujours avec nos auto-stoppeurs à bord auxquels nous proposons un bon déjeuner pour les revigorer. Et nous arrivons tous à Rio Grande en fin de journée, on se rejoint dans une station service YPF pour prendre de l'eau, de l'essence, du wi-fi, lâcher le Russe et repartir car il fait encore jour, on peut avancer. Nous pensons rouler jusqu'à Ushuaïa, 200 km. Eux veulent s'arrêter avant, au bord du lac de Tolhuin.

La Ruta 3 repart dans les plaines à guanacos mais peu à peu le paysage change, on prend de l'altitude et 100 km plus loin on voit apparaitre des montagnes aux sommets enneigés et le lac de Fagnano. Il commence à être tard et nous sommes fatigués, on se dit que nos amis avaient raison de vouloir s'arrêter ici. On les cherche, en vain. A un moment je pense qu'ils ont peut-être décidé d'aller jusqu'à Ushuaïa pour nous y rejoindre ... mais nous n'avons pas de réseau donc nous ne pouvons pas les prévenir de notre changement de plan. Nous finissons par trouver un coin où passer la nuit et ayant pitié de Georges prêt à monter sa tente dans le vent nous lui proposons un lit au chaud et une douche ... ça s'appelle de l'auto stop all inclusive.

Lundi 19 Novembre 2018, tout le monde a bien dormi, nous avons hâte d'arriver à Ushuaïa. Les neiges ont bien fondu ces dernières semaines, l'été est presque là mais il parait qu'ici il ne faut jamais regarder la météo, ça ne sert à rien, tout peut changer en quelques minutes.

Nous croisons le km 3000 de la Ruta 3, un symbole ! 3000 km depuis Buenos Aires. Il en reste encore 70 environ pour entrer dans la ville la plus australe du monde.

Derniers virages !

Et c'est sur un parking en front de mer que nous troquons le gentil Georges qui a hâte de partir escalader les sommets contre ...

..."le gang des Chiliens" trouvés par hasard sur ce même parking ! Nous fêtons notre arrivée à Ushuaïa ! ( ils sont ici depuis hier soir pensant nous y trouver tandis que nous les cherchions à Tolhuin ...)

Chacun repart de son côté. Avec Gaspard et Aloys nous avons envie de découvrir un peu la ville. A peine sortis de Philéas et engagés dans les rues une tempête s'abat sur nous. Pluie et vent glacial. Trempés on rentre, on enlève manteaux, bonnets, gants, écharpes et ... c'est un grand soleil qui brille dehors ! Alors on remet tout pour aller prendre l'air en nous méfiant du ciel trop bleu. Je reçois un message de Georges, il est sur un sommet dans une tempête de neige !

Nous voilà donc à Ushuaïa ... on revoit tout le chemin parcouru pour arriver jusqu'ici et nous sommes super heureux. Le vent est tombé, l'eau miroite sous le soleil, on trouve qu'on a de la chance d'avoir une si belle entrée en matière.

Fondée en 1884 sur le canal de Beagle, au fond d'une baie, Ushuaïa est la porte vers l'Antarctique. Les bateaux de croisière de la compagnie du Ponant partent d'ici et nous font terriblement envie ! Un autre rêve.

La ville est entourée de montagnes et du glacier Martial, en perte de vitesse, il n'en reste plus grand chose mais il est accessible assez facilement si on est équipé.

Vu le temps et malgré l'heure, 18h, on décide de grimper la piste de ski qui mène au glacier. De là-haut nous aurons une jolie vue sur le canal de Beagle.

La pente est super raide mais on monte, récompensés par la vue et le grand air. Soudain la montagne se couvre de nuages et la neige se met à tomber. Dans les flocons apparaissent trois visages familiers ! On redescend tous ensemble.

En bas c'est le grand bleu. Nous sortons de la ville pour trouver le camping municipal, un simple terrain qui sert de parc et qui est donc jonché de poubelles qui débordent ... Mais il borde un golf, il est traversé par un ruisseau, la vue est jolie, on y sera bien malgré tout et il est gratuit. Les amis nous rejoignent dans Philéas pour une soirée tardive à refaire le monde ... au bout du monde.

Mercredi 21 Novembre 2018, nous poursuivons la visite d’Ushuaïa après une journée de repos hier. Beaucoup de gens trouvent la ville moche, nous on adore l'ambiance, le port, la lumière. C'est animé, on y entend parler toutes les langues et surtout français.

La rue principale pullule de magasin de vêtements de montagne, d'agences touristiques ou de bars. On n'a pas l'impression d'être au bout du monde.

Hier nous avons emmené Aloys visiter une galerie thématique sur l'histoire de la Terre de Feu. Des indiens Selknams et Yamanas à la construction du bagne en passant par les navigateurs et explorateurs, ce musée de figurines grandeur nature nous a permis de bien comprendre le peuplement de ce coin si reculé de la planète par des gens courageux comme ce pasteur anglais, Thomas Bridges qui s'installe le premier en 1869 avec sa famille.

Photo traditionnelle en fin de journée devant ce célèbre panneau, non loin de l'office de tourisme qui nous a tamponné nos passeports, une autre tradition quand on passe par ici !

Il est 20h sur le canal de Beagle, nous sortons tranquillement de la ville pour regagner le camping et nos amis qui nous organisent un délicieux barbecue ... sous la pluie qui se met à tomber et un froid polaire. Au secours Philéas !

Jeudi 22 Novembre 2018, les réveils sont difficiles en ce moment ! Nous ne sommes pas très productifs le matin...

Le camping se trouve à quelques km de l'entrée du Parc National de la Terre de Feu. Payant, nous avons le droit d'y camper deux nuits mais il n'y a ni eau, ni électricité, ni douches, ni poubelles, ni bois pour le feu et il est strictement interdit d'en ramasser. Du coup on trouve le prix un peu abusif, 12 euros. Mais on a envie de randonnées dans la forêt Patagonne et de voir le travail des castors qui malheureusement pullulent depuis leur introduction et détruisent l’écosystème fragile. Ici les arbres croissent très lentement , la forêt a du mal à se régénérer, les castors font donc de gros dégâts en grignotant tout sur leur passage. Ils sont chassés, je ne sais pas si il en reste beaucoup dans le parc.

C'est ici que s'achève la fameuse Ruta 3, au km 3079. Un peu plus loin c'est le Chili mais sans accès. Il nous reste un peu de route à faire si nous voulons rallier l'Alaska ... on va y réfléchir ...

Vu notre niveau d'énergie nous nous engageons dans une petite promenade de santé, jolie mais sans castors, on ne voit qu'un barrage abandonné et les arbres morts à cause de la montée des eaux.

Au campement le gang des Chiliens nous rejoint, puis c'est Georges qui nous retrouve, il a vu Philéas de loin ! Puis on fait la connaissance de Simon et Victor, sympathiques garçons de Dunkerque, deux frères en vacances qui passaient par là pour rejoindre leur tente plantée un peu plus loin. On invite ce petit monde à partager un asado. Heureusement j'avais prévu un énorme morceau de bœuf et quelques kilos de pommes de terre pour une purée maison. Et Gaspard avait transformé la soute en cave ! Et chacun met sur la table ce qu'il a. Tout va bien donc, on peut se réchauffer tous ensemble en surveillant un rapace qui nous fait de l’œil et aimerait bien s'incruster dans notre joyeuse bande.

Vendredi 23 Novembre 2018, petit déjeuner collectif au soleil sans Georges parti aux aurores (9h !) et les Dunkerquois qui ont déjà pliés leur tente et passent juste nous dire au revoir. Après une vaisselle entre filles les cuves de Philéas sont vides. Gaspard est trop content de pouvoir enfin sortir sa pompe ! On refait le plein mais le débit est un peu lent ou alors c'est nous qui le sommes ... bref, il est largement l'heure de déjeuner. J'avais fait des empanadas alors on partage tout ça autour d'une bonne salade.

Heureusement que les journées sont longues, nous avons encore le temps d'aller faire une randonnée d'une dizaine de kilomètres pour conclure cette active journée. Nous partons donc à l'heure du goûter. La promenade commence tranquillement, aussi tranquille que ces oies.

Le temps n'est pas extraordinaire, la lumière non plus.

On marche dans la forêt mais on ne croise aucun animal.

Halte, frontière! Malgré les risques on enfreint la loi, nous n'avons pas nos passeports, Aloys entre illégalement au Chili.

Il traîne au retour. Gaspard lui a demandé de trouver une plume d'oiseau (repérée à l'aller), autant chercher une aiguille dans une meule ...

Samedi 24 Novembre 2018, cette fois-ci on se lève un peu plus tôt pour faire une dernière virée dans le parc. Rien de fou, un sentier des castors sans castors et des dizaines de bus qui déversent des touristes pressés ... mais un bon bol d'air dans la forêt, c'est toujours agréable.

Dimanche 25 Novembre 2018, encore quelques photos de la ville avant d'emmener Aloys au bagne !

Maison à vendre ! On y songe !

Clin d’œil pour Papa !

Le pénitencier d’Ushuaïa fut construit en 1902 pour enfermer au bout du monde les criminels les plus dangereux et les prisonniers politiques. Il a servi jusqu'en 1947. Au bout de l'artère principale de la ville il sert de musée à tout ! Musée maritime, galerie d'art, musée de l'Antarctique, musée du bagne. Pour tous les goûts.

On passe du temps dans la partie rénovée, chaque cellule raconte quelque chose.

Mais on préfère la partie dans son jus, très déco ! Et Aloys imagine mieux la vie des pauvres gens enfermés dans les cellules minuscules surtout en plein hiver. Il choisit la sienne près du poêle, bien vu !

En sortant nous allons boire un chocolat chaud et écrire quelques cartes qui, on l'espère, arriveront à bons ports ...

Ce soir on change de camp. On se pose en surplomb du canal de Beagle, face à la baie. Ce n'est pas une si bonne idée, le vent se lève, on devra changer Philéas de place pendant la nuit. Mais la vue sur Ushuaïa est imprenable.

Lundi 26 Novembre 2018, c'est ce temps là qu'on imaginait avoir à Ushuaïa ! Et on aime bien aussi la voir sous cet aspect. On a prévu de repartir aujourd'hui mais il faut d'abord gérer quelques corvées. Un pneu fuit depuis quelques jours, direction une gomeria pour le réparer. On fait les pleins : bonbonne de GPL (on a trouvé un centre de remplissage), eau, gasoil, frigidaire. Les cales sont pleines, parés à virer !

On passe une dernière fois devant un quartier aux maisons en tôles peintes, dans la tradition de la région.

On bifurque là où nous avons dormi hier soir pour pique-niquer dans le vent qui force les arbres à aller dans son sens depuis leur naissance .

Aussi changeant que prévu, le temps vire au bleu.

Un dernier regard sur cette baie pas si facile à atteindre

Hasta luego Ushuaïa, un jour on reviendra ...