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Pont Blondin, l'enfance ...

1979  J'ai bientôt sept ans, Casa étouffe dans l'humidité de Juillet. Je suis ma grand-mère Bab Marrakech dans les étroites ruelles du souk, accrochée à son panier débordant de mille saveurs qu'elle transformera en mille plats délicieux. Boulevard d'Anfa, mon grand-père ferme la porte de son cabinet médical abandonnant pour le week-end son stéthoscope et sa blouse blanche, un repos bien mérité après une semaine exclusivement consacrée à ses patients. Casablanca s'éloigne laissant la place aux champs. Le long de la route, à même le sol, vendeurs de pastèques, de melons verts, d'épis de maïs. Elle me semble bien longue cette route vers la plage, une aventure, trente kilomètres ! Et enfin le pont que l'on traverse. Je cours en me brûlant les pieds dans le sable bouillant, rassurée de voir qu'ils sont toujours là les coquillages mélangés aux galets que je passerai des heures à ramasser. Je lève les yeux vers l'un des cabanons qui bordent la plage, j'entends les voix des amis de toujours, les exclamations qui fusent du panier de ma grand-mère, le rire de mon grand-père enfin détendu. Ivre de bien-être et d'insouciance je me jette dans les vagues de cette plage qui ressemble à mille autres, ma plage, ma madeleine, celle qui me murmure dans le cœur les souvenirs heureux de l'enfance ... qu'en reste-t-il ?...

... les coquillages et les galets !

Lundi 14 Mai 2018, Il a sept ans et il est tout content de jouer sur la plage de mes souvenirs."Dis maman, quand tu étais petite tu l'avais ramassé ce coquillage ? et celui-là ? Et le cheval il était là ? et cette vague elle était pareille ? Le sable lui c'est sûrement le même hein maman ?" Le don des enfants pour la légèreté. 

Je me concentre pour essayer de retrouver le cabanon blanc aux volets rouge et son carré de kikuyu mais tout est chamboulé, l'horizon couvert de constructions. Je lutte contre la nostalgie quand je vois la plage, ma plage, envahie de chaises en plastique et de la musique des cafés qui en ont pris possession. Je m'assois sur le sable pour de longues minutes d'une évidente et banale réflexion sur le temps qui passe ...

 

Et lorsque je le regarde dans le soleil couchant, que cesse la musique et les bruits d'aujourd'hui, l'espace d'un instant j'ai à nouveau sept ans.